Vidéo-surveillance : la LDH réservée
Le projet de vidéo-surveillance, initié par le maire de Bourges Serge Lepeltier, devrait être opérationnel à la fin janvier 2008. Pour accompagner son déploiement, un « comité d’éthique » a été mis en place par la municipalité. Installé le jeudi 06 décembre 2007, il devrait se réunir plusieurs fois par an. Nous avons voulu faire le point avec l’une des membres de ce comité, Aline de la Perrelle, Présidente de la section du Cher de la Ligue des Droits de l’Homme. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à la LDH, on est réservé sur le projet de vidéo-surveillance.
Les mots sont importants. Pour la mairie, le projet qu’elle soutient et met en œuvre s’appelle « vidéo-protection ». À la demande de Serge Lepeltier, et sur la base du « sentiment d’insécurité » manifesté par les berruyers à l’occasion de l’opération « Allo, ici votre maire », une petite quarantaine de caméras vidéo vont être installées dans la ville [1] . Dans un local proche du commissariat de police de Bourges, six employés surveilleront en permanence les images produites en continu et enregistrées. Il s’agit « d’assurer la sécurité des personnes et des biens, de protéger les bâtiments publics et leurs abords, d’aider à la sécurité routière, et d’assister les personnes en difficulté. » Plus d’une vingtaine de sites ont été retenus, parmi lesquels on citera Le Hublot, la mairie de quartier de la Chancellerie, Cap Nord, la gare SNCF, la gare routière, le camping municipal, le parvis de la cathédrale ou encore la rue Moyenne ...
Pour un coût approximatif de 1.175.000 euros, les principaux lieux de vie des habitants de Bourges vont donc être surveillés en permanence. On nous prépare un monde gentiment orwellien. Qu’en est-il du respect de la vie privée des gens ? Qui exploitera ces images et comment ? De nombreuses inquiétudes se lèvent à l’annonce d’un tel projet. Pour y répondre, la municipalité a décidé de réunir un « comité d’éthique ».
Sollicitée par Serge Lepeltier, la section du Cher de la Ligue des droits de l’Homme a accepté d’y siéger. Compte-rendu des impressions de sa présidente, Aline de la Perrelle.
Aline de la Perrelle : Notre débat, au sein de la section, a d’abord porté sur l’opportunité de siéger ou non dans ce comité d’éthique. Certains n’y étaient pas favorables, car ils craignaient de servir de caution morale à l’équipe municipale. Finalement, nous avons préféré ne pas pratiquer « la politique de la chaise vide », qui est la plus mauvaise des solutions.
Vous avez donc accepter d’y siéger
Aline de la Perrelle : Oui, d’abord pour rappeler certains principes : le respect des droits de l’individu, le respect des droits de l’homme. En outre, nous souhaitons qu’un bilan soit fait au bout d’un an de fonctionnement afin d’estimer l’efficacité de la vidéo-surveillance, pour savoir si effectivement la délinquance a régressé, puisque c’est l’objectif principal.
Ce qui justifie ce projet, ce n’est pas la délinquance, mais le sentiment de la délinquance. La nuance est importante.
Aline de la Perrelle : Oui, cela semble évident. Donc il y a peu de chance qu’on évalue quelque chose de vraiment objectif. De plus, on peut imaginer que les vrais délinquants ne seront pas trop gênés par ce dispositif, qu’ils iront simplement faire leurs affaires ailleurs ; d’autant que la loi prévoit qu’on indique clairement par des panneaux les lieux publics contrôlés par des caméras.
Donc un système pour le moins désagréable, peu efficace, et d’un coût important.
Aline de la Perrelle : Un membre du comité d’éthique, qui siège dans l’opposition, a fait remarquer qu’il était dommage de consacrer des sommes si importantes à ce dispositif, que l’argent serait mieux investi en privilégiant et en renforçant les politiques de prévention. D’un côté on installe des caméras, de l’autre on réduit les subventions à des associations qui sont efficaces pour améliorer la vie dans les quartiers. Ce projet illustre le besoin de répressif qui anime nos sociétés. Nous sommes évidemment plutôt favorables à la prévention et à l’éducation pour régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Une politique sécuritaire, dans la droite ligne de la politique menée par Sarkozy
Aline de la Perrelle : Le maire a présenté comme argument plaidant en faveur de l’efficacité du dispositif, la baisse des incidents dans les transports en commun après la mise en place de caméras de surveillance dans les bus. Mais le problème n’est pas exactement le même. Un bus est un espace clos, qui peut être assimilé à un espace privé, comme une agence bancaire par exemple. Ici, ce sont les principaux lieux publics qui sont soumis à une surveillance permanente. Tous les citoyens sont a priori soupçonnés et contrôlés.
Quand doit se réunir la prochaine réunion du comité d’éthique ?
Aline de la Perrelle : Après les élections ... Le système aura de toutes façons été mis en place.
Parmi les missions du comité d’éthique, il y a l’élaboration d’une charte d’éthique
Aline de la Perrelle : En installant le comité d’éthique, Serge Lepeltier nous a annoncé que la fameuse charte était en cours de rédaction. Elle nous sera soumise à la prochaine réunion [2]. Quelle marge de manœuvre nous sera accordée pour l’amender ? D’une manière générale, nous nous demandons quels pouvoirs réels seront accordés à ce comité d’éthique pour remplir effectivement son rôle de défense du respect des libertés individuelles.
[1] Le projet est confié à un cabinet privé, le cabinet ALTHING. L’exploitation du système sera placée sous la responsabilité de la police municipale. Des mesures de protection de la vie privée ont été mises en place, conformément au cadre législatif en vigueur, comme l’interdiction de visualiser des images à l’intérieur des immeubles d’habitation, le brouillage des zones interdites etc. Les images enregistrées seront conservées pendant un délai de quinze jours, puis seront effacées. Quel contrôle démocratique cependant garantit le respect de ces dispositions ?
[2] Le comité d’éthique doit se réunir une fois par trimestre.