Vidéo-surveillance : la LDH réservée

lundi 14 janvier 2008 à 20:43, par bombix

Le projet de vidéo-surveillance, initié par le maire de Bourges Serge Lepeltier, devrait être opérationnel à la fin janvier 2008. Pour accompagner son déploiement, un « comité d’éthique » a été mis en place par la municipalité. Installé le jeudi 06 décembre 2007, il devrait se réunir plusieurs fois par an. Nous avons voulu faire le point avec l’une des membres de ce comité, Aline de la Perrelle, Présidente de la section du Cher de la Ligue des Droits de l’Homme. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à la LDH, on est réservé sur le projet de vidéo-surveillance.

Vidéo-surveillance : la LDH réservée

Les mots sont importants. Pour la mairie, le projet qu’elle soutient et met en œuvre s’appelle « vidéo-protection ». À la demande de Serge Lepeltier, et sur la base du « sentiment d’insécurité » manifesté par les berruyers à l’occasion de l’opération « Allo, ici votre maire », une petite quarantaine de caméras vidéo vont être installées dans la ville [1] . Dans un local proche du commissariat de police de Bourges, six employés surveilleront en permanence les images produites en continu et enregistrées. Il s’agit « d’assurer la sécurité des personnes et des biens, de protéger les bâtiments publics et leurs abords, d’aider à la sécurité routière, et d’assister les personnes en difficulté. » Plus d’une vingtaine de sites ont été retenus, parmi lesquels on citera Le Hublot, la mairie de quartier de la Chancellerie, Cap Nord, la gare SNCF, la gare routière, le camping municipal, le parvis de la cathédrale ou encore la rue Moyenne ...

Pour un coût approximatif de 1.175.000 euros, les principaux lieux de vie des habitants de Bourges vont donc être surveillés en permanence. On nous prépare un monde gentiment orwellien. Qu’en est-il du respect de la vie privée des gens ? Qui exploitera ces images et comment ? De nombreuses inquiétudes se lèvent à l’annonce d’un tel projet. Pour y répondre, la municipalité a décidé de réunir un « comité d’éthique ».

Sollicitée par Serge Lepeltier, la section du Cher de la Ligue des droits de l’Homme a accepté d’y siéger. Compte-rendu des impressions de sa présidente, Aline de la Perrelle.

Aline de la Perrelle : Notre débat, au sein de la section, a d’abord porté sur l’opportunité de siéger ou non dans ce comité d’éthique. Certains n’y étaient pas favorables, car ils craignaient de servir de caution morale à l’équipe municipale. Finalement, nous avons préféré ne pas pratiquer « la politique de la chaise vide », qui est la plus mauvaise des solutions.

Vous avez donc accepter d’y siéger

Aline de la Perrelle : Oui, d’abord pour rappeler certains principes : le respect des droits de l’individu, le respect des droits de l’homme. En outre, nous souhaitons qu’un bilan soit fait au bout d’un an de fonctionnement afin d’estimer l’efficacité de la vidéo-surveillance, pour savoir si effectivement la délinquance a régressé, puisque c’est l’objectif principal.

Ce qui justifie ce projet, ce n’est pas la délinquance, mais le sentiment de la délinquance. La nuance est importante.

Aline de la Perrelle : Oui, cela semble évident. Donc il y a peu de chance qu’on évalue quelque chose de vraiment objectif. De plus, on peut imaginer que les vrais délinquants ne seront pas trop gênés par ce dispositif, qu’ils iront simplement faire leurs affaires ailleurs ; d’autant que la loi prévoit qu’on indique clairement par des panneaux les lieux publics contrôlés par des caméras.

Donc un système pour le moins désagréable, peu efficace, et d’un coût important.

Aline de la Perrelle : Un membre du comité d’éthique, qui siège dans l’opposition, a fait remarquer qu’il était dommage de consacrer des sommes si importantes à ce dispositif, que l’argent serait mieux investi en privilégiant et en renforçant les politiques de prévention. D’un côté on installe des caméras, de l’autre on réduit les subventions à des associations qui sont efficaces pour améliorer la vie dans les quartiers. Ce projet illustre le besoin de répressif qui anime nos sociétés. Nous sommes évidemment plutôt favorables à la prévention et à l’éducation pour régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Une politique sécuritaire, dans la droite ligne de la politique menée par Sarkozy

Aline de la Perrelle : Le maire a présenté comme argument plaidant en faveur de l’efficacité du dispositif, la baisse des incidents dans les transports en commun après la mise en place de caméras de surveillance dans les bus. Mais le problème n’est pas exactement le même. Un bus est un espace clos, qui peut être assimilé à un espace privé, comme une agence bancaire par exemple. Ici, ce sont les principaux lieux publics qui sont soumis à une surveillance permanente. Tous les citoyens sont a priori soupçonnés et contrôlés.

Quand doit se réunir la prochaine réunion du comité d’éthique ?

Aline de la Perrelle : Après les élections ... Le système aura de toutes façons été mis en place.

Parmi les missions du comité d’éthique, il y a l’élaboration d’une charte d’éthique

Aline de la Perrelle : En installant le comité d’éthique, Serge Lepeltier nous a annoncé que la fameuse charte était en cours de rédaction. Elle nous sera soumise à la prochaine réunion [2]. Quelle marge de manœuvre nous sera accordée pour l’amender ? D’une manière générale, nous nous demandons quels pouvoirs réels seront accordés à ce comité d’éthique pour remplir effectivement son rôle de défense du respect des libertés individuelles.

[1Le projet est confié à un cabinet privé, le cabinet ALTHING. L’exploitation du système sera placée sous la responsabilité de la police municipale. Des mesures de protection de la vie privée ont été mises en place, conformément au cadre législatif en vigueur, comme l’interdiction de visualiser des images à l’intérieur des immeubles d’habitation, le brouillage des zones interdites etc. Les images enregistrées seront conservées pendant un délai de quinze jours, puis seront effacées. Quel contrôle démocratique cependant garantit le respect de ces dispositions ?

[2Le comité d’éthique doit se réunir une fois par trimestre.

commentaires
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - Antoine - 20 septembre 2010 à 10:53

Bonjour à tous,

Je pense que l’activité des cabinets de conseil en sécurité est trop souvent mal perçue. Leur rôle est de conseiller une collectivité, suite à une commande publique, sur la nature des actions à mettre en œuvre en matière de prévention et de sécurité. A ce titre, ce type de cabinet intervient aussi bien dans l’audit d’un service de police municipale ou dans le maîtrise d’œuvre videosurveillance, que dans la mise en place d’un dispositif de médiation, d’accès au Droit, de parentalité ou de lutte contre les violences faites aux femmes.

Ensuite, ce type de bureau d’étude intervient pour le compte des collectivités suite à une commande des services, et apporte la plupart du temps un savoir faire réel. Dans cette optique, ces entreprises ont une réelle utilité publique, en facilitant l’action publique locale pour le compte des administrés.

Troisième point, concernant les dispositifs de vidéosurveillance sur voie publique : leur utilité et leur impact feront débat pendant encore de nombreuses années, tant il est compliqué de relier la baisse ou la hausse de la délinquance sur un territoire donné avec une causalité simple comme l’installation de caméras (au niveau méthodologique, comment prouver que la baisse de la délinquance découle de l’installation de caméras et non de la présence renforcée d’effectifs de médiation, de police municipale, de police nationale, ou bien des actions de réussite éducative entamées 10 ans plutôt, etc.). La vidéosurveillance est donc un outil qui s’intègre dans une ensemble d’actions locales. La critique à émettre doit porter, à mon avis, sur le fait que la mise en place de vidéoprotection ne peut justifier la baisse des effectifs des agents, au sens large (effectifs municipaux, forces de l’ordre, etc.).
Pour ce qui est du respect des Libertés Publiques, je ne pense pas que la vidéoprotection soit plus attentatoire à ces dites Libertés que le Pass Navigo ou la loi Hadopi. Concrètement, les images de vidéo font l’objet d’une exploitation minimaliste, qui à mon sens n’impacte que très peu les libertés publiques.

Je pense que tout le monde aura compris ma profession. Je risque d’être taxé de bien des choses désagréables, mais c’est en toute franchise que je souhaitais m’exprimer aujourd’hui et que j’engagerai un dialogue sincère avec vous tous.

à bientôt,

Antoine


#29492
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - Eulalie - 20 septembre 2010 à  11:21

Oui, j’ai deviné votre profession : vous êtes manager. Je n’engage aucun dialogue avec vous, sachez-le inutile de me répondre

#29493 | Répond au message #29492
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - 28 septembre 2010 à  15:19

Non Non Eulalie, je ne suis pas "manager", mais simple consultant...

#29596 | Répond au message #29493
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - Eulalie - 28 septembre 2010 à  15:45

c’est pareil

#29598 | Répond au message #29596
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - bombix - 20 septembre 2010 à  12:31

La question serait : pourquoi souhaitez vous engager un dialogue avec nous ? Formulé autrement : d’où parlez-vous, quels intérêts servez-vous ?

Il faudrait déjà montrer que parce que vous intervenez suite à une commande des collectivités, vous êtes pour autant "d’une réelle utilité publique" ; vous êtes sans doute d’une réelle utilité pour les gens qui vous paient. Mais que les gens qui vous paient veuillent le bien public, la démonstration reste à faire.

La vidéo-surveillance n’est pas qu’un outil. Elle s’intégre dans un dispositif global des sociétés de contrôle. Désamorcer la question politique en renvoyant à la simple pertinence technique fausse le débat. Il faut le reprendre en son centre, qui est la mise en place des dites sociétés de contrôles.

C’est pourquoi la réponse d’Eulalie, malgré sa rudesse d’apparence, est tout à fait justifiée. Vous n’êtes pas dans une pratique de dialogue, vous êtes dans une pratique d’enfumage qui utilise le dialogue pour placer sa camelote.

Démonstration par examen des faits : pour le cas de Bourges, on sait désormais à quoi s’en tenir avec les promesses de Lepeltier concernant la démocratie. Comités de quartiers bidons, comité d’éthique écran pour faire croire à un contrôle citoyen de la vidéo-surveillance, etc.
Que M. Lepeltier — qui vous embauche — commence dans les faits par avoir une pratique démocratique réelle, sur le terrain. Qu’il dise ce qu’il fait, et qu’il fasse ce qu’il dise. Pour l’instant, si on reprend les promesses du candidat, le bilan est terrible de duplicité et de promesses non tenues. Et son comité d’éthique bidon n’est qu’un exemple parmi d’autres.

(*) Pour toutes ces questions concernant les sociétés de contrôle, voir l’excellent site Pièces et main d’oeuvre.

Par exemple ce petit texte qui explique peut-être votre présence sur l’Agitateur :

« Quel est le point commun entre la démocratie participative et l’acceptabilité sociale ? "Faire participer, c’est faire accepter", disent les sociologues du laboratoire France Telecom.
L’acceptabilité, c’est l’ensemble des techniques - entre marketing et propagande - développées par les sociologues des "usages" pour nous faire accepter les nouvelles technologies. Puisque celles-ci changent nos vies, il importe aux chercheurs et aux industriels qui exploitent les innovations, de s’assurer que le public ne rechignera pas à voir sa vie bouleversée par l’invasion de chimères génétiques, de gadgets électroniques ou d’objets communicants.
 »

#29495 | Répond au message #29492
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - 28 septembre 2010 à  15:32

Bombix,

je l’expliquais dans mon précédent mail : ma démarche est simple, je n’ai rien "à vendre", je suis consultant en prévention sécurité, j’estime faire mon métier honnêtement (loin des clichés des marchands de peur ou des profiteurs d’argent public), et je souhaite réagir quand on dénigre ma profession.

Ensuite, les contextes politiques ne rentrent pas en ligne de compte dans mon métier : je travaille sur commande publique, sans regard pour le politique (élu, au passage) qui me missionne.
Et contrairement à votre opinion, je ne suis pas dans une politique d’enfumage : j’exerce mon métier depuis une dizaine d’années, je n’ai pas de "camelote à placer", et je vous trouve dommage que vous vous trompiez à ce point sur notre profession naissante.

Ensuite, le contexte politique local de Bourges, que vous avez l’air de bien connaître, m’est inconnu, et ne relève pas de ma compétence. Je n’apporterai donc pas d’avis, même si tout le monde sait que la démocratie participative telle qu’elle est pratiquée dans notre charmant pays est une sombre blague.

On s’éloigne donc de notre sujet : mon métier est honnête, vous réfléchissez avec beaucoup de clichés à mon goût, et je tentais simplement de vous apporter un éclairage sur mon métier. Vu les réactions d’Eulalia et de vous-même Bombix, ce site n’est pas vraiment un espace de dialogue.

Pour autant, si vous souhaitez un jour comprendre mon activité, je reste à votre disposition.

#29597 | Répond au message #29495
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - 14 avril 2008 à 18:51

Si vous cherchez Althing, vous allez mieux comprendre

Cette société est "très" spécialisée . :
Vidéosurveillance,
cartographie de l’"insécurité" (si si voir aussi sur le site des BBA qui avait repéré son logiciel Corto),
évalution des CLS
et... communication des collectivités.
Elle participe activement aux Assises nationales de la Vidéosurveillance.
Lors de celles de Nice, par exemple, le PDG d’Althing animait un atelier- Communication externe : comment gagner la confiance des citoyens et les rassurer sur cette démarche ?

A Clichy ils ont testé le vrai-faux referendum, a Bourges c’est le "comité d’éthique" . Pas bête !
Quelle est sa mission à ce comité ?

chris


#12276
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - 3 février 2008 à 08:40

Rien que le titre fait bondir : La Ligue des Droits de l’Homme du Cher est seulement réservée !

Elle (la LDH) lutte en faveur du respect des libertés individuelles en matière de traitement des données informatisées

Peut-on lire dans l’article premier des statuts de la LDH

La Ligue des Droits de l’Homme du Cher ne devrait-elle pas plutôt être opposée à la vidéo-surveillance ?


#10240
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - 16 janvier 2008 à 20:03

Voici ce que pourrait donner l’installation de caméras sur Bourges.
Avis aux voyeuristes


#9742
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - B. Javerliat - 16 janvier 2008 à 18:01

Connait-on la liste des membres du comité d’éthique ? Est-elle publique ? Le site de la Ville de Bourges est muet sur le sujet.


#9734
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - fm - 16 janvier 2008 à 00:07

Quelle tristesse !

Plus de 200 ans après une révolution, nous en sommes réduits à faire surveiller nos concitoyens par le guet. Et quel guet ! Des pseudos pandores agressifs, psychiquement limités, confondant depuis leur arrivée à Bourges ilotage et répression.

La seule réponse à l’insécurité prétendue est donc le flicage, la surveillance, toute cette vague impression d’un régime ressemblant à Vichy.

Et pendant c’temps là, ils réinventent la police de proximité au niveau national.

Quelle misère, quelle tristesse !


#9681
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - B.Javerliat - 16 janvier 2008 à  08:45

Des pseudos pandores agressifs, psychiquement limités, confondant depuis leur arrivée à Bourges ilotage et répression.

C’est vrai qu’il y aurait beaucoup à dire sur l’attitude des policiers municipaux. Mais ça serait HS ;-)

#9690 | Répond au message #9681
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - Mercure Galant - 14 janvier 2008 à 21:24

Vous avez donc accepter d’y siéger

Aline de la Perrelle : Oui, d’abord pour rappeler certains principes : le respect des droits de l’individu, le respect des droits de l’homme. En outre, nous souhaitons qu’un bilan soit fait au bout d’un an de fonctionnement afin d’estimer l’efficacité de la vidéo-surveillance, pour savoir si effectivement la délinquance a régressé, puisque c’est l’objectif principal.

Pour apporter quelques éléments de réponse aux questions d’Aline de la Perrelle sur l’efficacité des caméras de surveillance, je l’engage à lire l’analyse et les conclusions de son collègue Michel Roux,Président de la Fédération des Yvelines de la Ligue des Droits de l’Homme lors d’une intervention qui se déroula le 16 février 2005 dans le cadre de la journée d’étude "Vidéosurveillance et sécurité"au Centre National d’Études et de Formation de la Police Nationale. En lien ici *

Par ailleurs, on pourrait presque croire que sur ce sujet, l’actuelle municipalité se lance un peu (si j’ose dire en ce qui concerne des caméras de surveillance) à l’aveuglette !!!

*J’avais déjà fait référence à ce document dans le forum qui suit l’article de Bernard Jarverliat "Y a-t-il quelqu’un pour s’opposer à la vidéosurveillance ?"


#9634
Vidéo-surveillance : la LDH réservée - T1ro - 14 janvier 2008 à 21:18

Intéressant d’avoir le point de vue de la LDH sur ce sujet, je ne savais pas qu’un comité était prévu, il sera intéressant également d’avoir connaissance des comptes rendus.

Pour répondre à la question finale, le système de vidéo surveillance est soumis à la Loi n°95-73 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité, il y est dit, entre autre :

Hormis le cas d’une enquête de flagrant délit, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, les enregistrements sont détruits dans un délai maximum fixé par l’autorisation. Ce délai ne peut excéder un mois.

Toute personne intéressée peut s’adresser au responsable d’un système de vidéosurveillance afin d’obtenir un accès aux enregistrements qui la concernent ou d’en vérifier la destruction dans le délai prévu. Cet accès est de droit. Un refus d’accès peut toutefois être opposé pour un motif tenant à la sûreté de l’Etat, à la défense, à la sécurité publique, au déroulement de procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, ou au droit des tiers.


#9633