Un « Village de Noël » qui peut rapporter gros
À quelques mois des élections municipales, c’est sous le signe de Pinocchio - le pantin de bois dont le nez s’allonge lorsqu’il ment - que se déroule jusqu’au 24 décembre, le "marché de Lepeltier-Colling", comme l’a perfidement nommé le quotidien Le Berry Républicain. La société Coulisses s’est vu confier par la municipalité, contre monnaie sonnante et trébuchante, la délicate mission de « créer toute l’atmosphère pleine de charme et de magie liée aux fêtes de Noël », au pied de la cathédrale.
Noël est sans doute devenu la fête du capitalisme bien avant d’être la célébration de la naissance du petit Jésus. À Bourges, c’est au pied de la Cathédrale Saint Etienne que la religion du business est venue défier le Noël de l’espoir, de la fraternité et du renouveau. Pour la troisième année consécutive, la mairie de Bourges a décidé de confier à la société Coulisses, filiale du Printemps de Bourges, l’organisation et la gestion du « Village de Noël ».
Sur le parvis de la mairie de Bourges, en face de l’immense cathédrale, patrimoine mondial de l’UNESCO, la société Coulisses a planté ses tentes et chalets pour faire pousser la monnaie fiduciaire. Un Père Noël, deux ou trois échassiers déambulant dans les allées, un manège, un peu de vin chaud, et une tente pour assister à un spectacle pour enfants : le tour est joué. Il n’en faut pas davantage pour instaurer « la magie de Noël » et voir des milliers de berruyers affluer pour dépenser frénétiquement leurs maigres deniers. Une opération très juteuse.
Ainsi, la municipalité a attribué une subvention de près de 50.000 euros à la société Coulisses pour l’organisation du « Village de Noël » alors que le « Noël Blanc » des commerçants, artistes et associatifs de la rue Bourbounnoux a dû se contenter de 1000 euros pour sa treizième édition. Son organisation a dû d’ailleurs être avancée au 1er décembre pour ne pas perturber le Noël du Grand Manitou Daniel Colling.
Mais la société privée Coulisses n’est pas du genre à se satisfaire de reliquats d’argent public. Alors que beaucoup de marchés de Noël se contentent d’un prix fixe pour la location de leurs « chalets », Coulisses fait le choix de les mettre aux enchères. A titre d’exemple, l’emplacement pour le commerce de « crêpes et de gaufres », a été cédé au plus offrant, soit une somme de 3500 euros. C’est sans doute cela « toute l’atmosphère pleine de charme et de magie liée aux fêtes de Noël », façon Daniel Colling. Mais tout ceci est parfaitement légal. Il s’agit d’un système de gestion typique de la majorité municipale actuelle où les dépenses sont publiques et les bénéfices sont privés. Un système qui tend à démontrer que le premier assisté de France, c’est l’entreprise.
Daniel Colling, directeur du Printemps de Bourges, est également à la tête de « Bourges en Scène » chargée d’élaborer une programmation musicale annuelle pour animer « Les Rives d’Auron » qui est un ensemble de salles de spectacles appartenant à la ville de Bourges et dont la SARL Coulisses est l’unique délégataire. La municipalité a versé cette année à Coulisses 922.172 euros (TTC) au titre de « contrainte de service public » (celle de programmer des artistes de variété et stars de la télévision à tarifs prohibitifs ?). Pour sa part, Coulisses reverse à la mairie de Bourges une petite redevance d’occupation de 55.000 euros par an.
Jusqu’où ira l’appétit gargantuesque de l’homme d’affaire Daniel Colling ? Le bruit court dans les milieux autorisés qu’il s’intéresserait aussi aux salons d’antiquaires et aux brocanteurs de la Halle au Blé. À quand la guinguette du dimanche au Jardin de l’Archevêché, gérée par la société Coulisses ?