1977-2007

Val d’Auron : un quartier trentenaire

samedi 24 novembre 2007 à 11:26, par Mercure Galant

Dans le cadre du mois du film documentaire 2007, une petite trentaine de personnes assistait, le mardi 20 novembre à 18h30, à la projection-débat que proposait la bibliothèque de Val d’Auron, relatant l’histoire de ce quartier de trente ans.

Val d'Auron : un quartier trentenaire

« The » film

En préambule, un film court d’une dizaine de minutes, en noir et blanc, tiré des cartons des archives municipales. Réalisé en 1985 par la SA d’HLM Berry-Sologne, ce curieux document promotionnel [1] évoque la construction des logements sociaux du hameau dénommé Alice. Assez daté par l’esthétisme qui s’en dégage, ce film (d’architecte ?) surprend d’emblée de par sa... construction ! Des plans fixes, composés de détails architecturaux ( escaliers en béton, façades en bois...) alternent avec le passage de mannequins des deux sexes, déambulant, en tenue de soirée impeccables, dans le décor des bâtiments en chantier, parfois sous les yeux incrédules des ouvriers... Le tout est saupoudré d’une musique jazzy [2], et entrecoupé de brefs commentaires plutôt abscons d’un architecte de la dite société... Finalement, peu d’éléments du film permettent de replacer ces images dans leur cadre et le principal mérite de cette projection aura été d’introduire le propos.

Aux origines du projet.

En deuxième partie, Monsieur Jean-Paul Chazelle, architecte à la Ville de Bourges à cette époque, est venu exposer les grandes étapes ayant jalonné la construction du Val d’Auron pour débattre ensuite avec les auditeurs. Il rappela tout d’abord que l’idée même de construire un nouveau quartier dans cette zone remontait à l’observation, par les élus locaux, du recensement de 1968 indiquant une augmentation de 11% de la population. [3] En se basant sur cette sensible croissance démographique, les prévisions à moyen terme permettaient d’espérer 130000 habitants en 1985 et à plus long terme, 180000 habitants en l’an 2000... En 1973, ce sont donc treize communes de l’agglomération qui participèrent à la réflexion allant conduire à l’élaboration du schéma directeur de l’urbanisme. L’idée d’un plan d’eau est présente dès le début, l’époque se prête aux grands projets... Pour ce faire, la municipalité de Raymond Boisdé part prospecter un peu partout en France et plus particulièrement à Dijon où le Chanoine Kir, maire de la ville a inauguré quelques années auparavant “son” propre plan d’eau. [4] Le choix se porte finalement sur ce secteur au sud de la ville, suite à la prolifération de constructions dans les quartiers du nord, les années précédentes. Dès le départ, on pense donner un caractère sportif au plan d’eau, puisque sa longueur de 2200 mètres doit permettre d’accueillir des compétitions internationales d’aviron et avec la plage, du côté de Plaimpied, une baignade...

Perspectives ambitieuses...

Autour du lac, ce sont près de 8 à 10000 logements qui sont prévus, dans lesquels l’on pense alors pouvoir loger environ 30000 habitants. Quatre zones d’aménagement concerté sont implantées, laissant plus de souplesse aux constructeurs dans la réalisation des bâtiments. Pour moitié, ce doit être du logement collectif qui devrait surgir de terre. Il est vrai que l’Etat participe alors beaucoup au financement du logement social... De plus, on veut s’écarter du modèle d’habitat des HLM du début des années soixante. Dans le nouveau quartier Alice, les constructeurs se veulent innovants sur le plan technique. En matière architecturale, on ose des formes plus audacieuses ainsi que l’utilisation de matériaux tels que le bois. La commercialisation des terrains doit permettre l’aménagement des infrastructures et la municipalité pense alors que le lac ne devrait théoriquement rien coûter à la collectivité... C’est la société d’économie mixte de la SO.BE.REM qui collecte les fonds et relaie la collectivité.

...et déconvenues.

Mais la période euphorique est de courte durée. Tout d’abord, la croissance démographique attendue ne vient pas : l’augmentation constatée les années précédentes étant essentiellement liée à un exode rural au sein même du département. D’autre part, les promoteurs ne se précipitent pas pour investir dans ce secteur... Avec le changement de municipalité en 1977 le dossier est repris sans enthousiasme par l’équipe du nouveau maire Jacques Rimbault. On décide alors de séparer le financement du plan d’eau, considéré comme un gouffre, du reste du projet. De plus, le lac ne tient pas vraiment toutes ses promesses. Si des activités nautiques (club d’aviron, base de voile... ) s’y développent effectivement, sa faible profondeur d’environ 2 mètres est sans doute à l’origine de l’envasement rapide et de l’apparition d’algues qui empêchent l’implantation de la baignade. Si les canards et les oies prolifèrent, la croissance de la population, quant à elle, stagne. [5] On profite plutôt du secteur pour désengorger les quartiers saturés du nord de la ville. Un autre imprévu surviendra plus tard encore, en 1996, sous le mandat du nouveau maire de Bourges, Serge Lepeltier, puisqu’il faudra vider le lac pour le désenvaser.

Aujourd’hui ?

Actuellement, on est loin de la politique de logements sociaux amorcée par la construction du quartier Alice. Cette initiative n’a pas eu de suite et les façades en bois avant-gardistes sont devenues bien ternes... Il est vrai que l’Etat n’intervient plus aussi fortement qu’à l’époque et que la société d’économie mixte qui gère l’aménagement n’apporte plus de financements. Maintenant, on procède plutôt à la vente, au coup par coup, de lots comprenant des parcelles de 1000 à 1200 m2 comme cela se fera prochainement sur la rive Est du lac avec le projet “Les rivages du lac d’Auron”. Aujourd’hui, le quartier compte environ 7000 habitants sur 2500 logements... [6]

Réactions.

Au terme de cet exposé, des résidents témoignèrent de l’évolution d’un quartier jugé plutôt agréable à vivre et qui attire sportifs et promeneurs. [7] Les plus anciens se souviennent de baignades et de parties de pêche dans l’Auron non loin du château de Lazenay avant l’apparition du plan d’eau. D’autres se questionnent sur l’existence d’une salle de théâtre qui fonctionna au tout début mais actuellement inexploitée, restant propriété de la société France Loire. La présence d’un animateur du PRJ : Point Rencontre Jeunes permit également d’apporter quelques éclaircissements sur le travail mené auprès des adolescents pour la revalorisation de leur environnement (fresques décoratives, atelier photographique sur l’architecture du quartier...). Beaucoup apprécient l’implantation récente d’un marché sur la place Martin Luther King qui anime un peu l’endroit. Certains font remarquer - à juste titre - que c’est au Val d’Auron que furent mis en place les premiers aménagements dédiés aux personnes handicapées... D’autres enfin, se demandent s’ils verront, un jour, la fameuse baignade autorisée... Trente ans qu’on en rêve ! [8]

[1Personne dans l’assemblée n’était en mesure de dire à qui était destiné ce film : municipalité ? Cabinets d’architectes parisiens ? Futurs clients ? Mystère...

[2Pour les nostalgiques, (même si ça n’est pas du tout jazzy) on reconnaît au générique , un tube incontournable de l’époque : Smalltownboy du groupe Bronski Beat.

[3Bourges comptait alors environ 70000 habitants intra-muros et 79000 habitants sur l’ensemble de l’agglomération. (Voir les chiffres ici ... et là)

[4Depuis, le “lac Kir” porte effectivement le nom de son initiateur.

[5En 1988, c’est un terrain de golf qui prend la place d’une zone initialement destinée à la construction de logements.

[6En complément des éléments fournis par cet article sur l’histoire du quartier, on peut se rendre sur le site "l’Encyclopédie de Bourges" de Roland Narboux à cette page

[7Désigné avec humour "notre petite Californie" par un résident dans l’assistance...

[8Pour information, l’exposition sur l’histoire du quartier ainsi que les photos réalisées par les jeunes fréquentant le PRJ restent visibles à la Bibliothèque du Val d’Auron jusqu’ au 15 décembre 2007...