Chronique des rues de Bourges

Promenade vers La Cigale

lundi 8 octobre 2007 à 11:52, par L

Quand on va à Bourges, c’est toujours par les mêmes rues. Grands boulevards, médiathèque, Cultura, et cours de tai-chi. La rue mineure et la majeure, magasin de musique, boutiques, un tour de la cathédrale. Mais si par hasard on s’égare, il y a des rues qui happent, une sorcière sur un toit d’usine.

Promenade vers La Cigale
Sorcière sur toît d’usine

Pour la première fois je vais à la bibliothèque du Val D’Auron, chercher Scream de Sarah Bettens. C’est face à la mer, en haut du centre commercial qui se traverse de l’intérieur jusqu’à la trouée verte. Deux femmes attendent les prêts et les retours. L’une s’étale l’autre écoute. La Cigale, elles ne connaissent pas. Celle qui parle agit. Dans le bottin trouve l’adresse, du plan me fait la photocopie.

Finalement je vais me garer à la médiathèque. J’irai à La Cigale de là-bas à pied. Mon chouchou est là. Toujours habillé de la même façon : chemise bleue ciel, comme ses yeux pâles. Pantalon jean en lin, dans les blancs cassés, crème, un peu trop remonté au kiki. Je lui dis bonjour et écoute un CD à côté de lui. Il est mal à l’aise. Salut en pensée.

Par le Palais d’Auron je traverse jusqu’au château d’eau. C’est le festival du film écolo. Quelques commerciaux. Trois quatre exposants de fringues de lin, plantes, pierres… Un bar sur bottes de foin. Au retour je viendrai voir. Traversée. Un homme avec ses deux litres de jus de poire. La Cigale est au-dessus du château d’eau. Je traverse un quartier d’habitations petites-bourgeoises embourgeoisées. Des contrastes très forts entre quelques maisons imposantes et leurs granges de bois qui s’écroulent. Beaucoup de charme.

Maison bourgeoise embourgeoisée

Dans l’une d’elle les pigeons font conseils. Maître pigeon sur le faîte perché du coin de l’œil communique avec son ombre recroquevillée dans sa couverture de laine, dans son fauteuil près de la fenêtre. Immobilité qui se fige, quelques froufrous d’une respiration fatiguée, l’œil a cessé de revoir le passé. Quelques dérapages dans l’angoisse vertigineuse de demain. Quel sera le passage, qu’y a-t-il après ? Il n’a jamais bien su qu’il a si peur de l’inconnu. Côté rue, une courette devant la maison est une jungle retournée à l’état semi sauvage qui n’invite pas à entrer. D’ailleurs par où ? Demander aux voisins ?

Maître pigeon

A 100m dans cette rue d’Emile Martin, c’est le café La Cigale. Bar fermé. Il fut rouge. Locaux à vendre. Que s’est-il passé ?
Je cherche dans la presse locale sur internet. Encyclopédie de la nouvelle république. Bredouille. Mais un fil : drôle de journal : l’Agitateur, un nom qui me plait bien. J’y cherche quelques infos sur La Cigale. Dans "Vie Locale", une chronique des rues de Bourges. Quelle affinité. J’en suis ! Je m’en retourne par le même chemin. Vue dans l’autre sens c’est voir autrement surtout que j’ai quelques idées de ce que je vais voir. Un magasin de décoration a massacré le rez-de-chaussée d’une antique pâtisserie reléguée aux combles. Il reste là-haut une magnifique fenêtre.

Pâtisserie

Je traverse la place du château d’eau vers l’école de musique, l’œil à la recherche de la beauté. Une femme m’offre le plaisir de sa silhouette vue de dos. Au bout les jets d’eau éjaculent en bouquet.

Une femme, silhouette vue de dos

Quatre jeunes en skate. Je suis fascinée par leurs culs (décidément). La mode des pantalons pour gars qui dévoilent les caleçons. Les quatre ont la même couleur de slip. Ils me voient faire la photo. Pensent que c’est pour leurs skates. L’un d’entre eux est à pied. Il fait des photos.

Descente par les marches sous les marronniers vers le Palais d’Auron, marché écolo. Près du bar aux bottes de paille, mon regard caresse les yeux bleus d’un grand brun. Je vais au camion des crêpes et Mathé voir les pantalons de lin. Le grand brun est à côté de moi et verbalise mon admiration pour la qualité de ces fringues. C’est magnifique. Deux superbes ponchos en laine de mouton nous attirent dans leurs bras. Connivence. Je lui demande d’en essayer un pour que je le prenne en photo. Il accepte de bonne grâce. Ses yeux sont deux petites mers paisibles. Le temps est clair. Il m’invite à le passer pour me prendre en photo à mon tour. Un des gars des 12 tribus nous suit dans notre jeu et nous invite à en passer chacun un pour nous prendre en photo ensemble. En couple pour quelques minutes, puissamment projetés dans les Pyrénées à faire du fromage de brebis ! S’en suit une longue discussion entre initiés, êtres en chemin vers la lumière. Je me décide pour un pantalon rouge : les toilettes pour handicapés du Palais d’Auron servent de cabine d’essayage. Je suis tenue par une sœur de la communauté de revenir avec un des pantalons sur moi ! Dans le camion, il y a la glace. C’est spécial. Ça change me dit-elle. Mais c’est vrai que c’est très agréable. Je suis conquise, puis j’ai envie de contribuer au projet de ces humains sortis de la misère capitale.

En route vers des Pyrénées

Olivier, mon compagnon de quelques instants est reparti sur la route. Un beau moment.

commentaires
Promenade vers La Cigale - Toma Z - 11 octobre 2007 à 19:53

Un des gars des 12 tribus nous suit dans notre jeu et nous invite à en passer chacun un pour nous prendre en photo ensemble. En couple pour quelques minutes, puissamment projetés dans les Pyrénées à faire du fromage de brebis ! S’en suit une longue discussion entre initiés, êtres en chemin vers la lumière

Je précise à l’auteur que : les 12 tribus c’est une secte fondamentaliste protestante venu des us, implanté dans un chateau dans le Bearn et dans le monde entier

c’est des gros craignos qui polluent le mouvement écolo/bio, refusant la vaccination, vivant en autarcie et profitant d’une mode pour faire du bizznes sur le dos des gogo. Bref de la merde !!!! (+ de renseignement :>http://www.amnistia.net/librairi/amnistia/n15/douztrib.htm]
le seul truc drole c’est qu’ils se retrouvent dans un marché organisé par la ville de bourges...


#8302
Promenade vers La Cigale - 11 octobre 2007 à  22:15

Merci pour ton message. Le lien que tu donnes ne fonctionne pas chez moi. Tout de même, d’ avoir un château et d’être protestant, refuser la vaccination, vivre en autarcie ne fait pas de toi un gros craignos. Certes, profiter d’une mode pour faire du bizznes sur le dos des gogo est polluant. Mais c’est le terreau du mouvement écolo/bio, pris dans la dynamique capitaliste hollistique. Ce qui n’empêche que poussent des jolies fleurs. Mais tu as peut être raison :c’est peut-être des affreux. Moi, je les ai trouvés trop racoleurs et sectaires (en dehors de leur expérience du pardon et de l’amour de jésus difficile d’échanger). Cependant ils semblent être capables de redonner le goût de vivre à certains et c’est chapeau. Pourquoi trouves-tu "drole" qu’ils se retrouvent dans un marché organisé par la ville de bourges ?

#8304 | Répond au message #8302
Promenade vers La Cigale - bombix - 12 octobre 2007 à  07:03

Mais c’est le terreau du mouvement écolo/bio, pris dans la dynamique capitaliste hollistique.

Vous voulez dire, en renvoyant à la catégorie de totalité (je suppose que c’est à cela que vous faites allusion en employant la notion de holisme) qu’il n’y a pas moyen pour l’écologie politique de sortir du capitalisme ? Le capitalisme constituerait l’unique horizon, l’horizon qui englobe la totalité de l’univers, des êtres et des choses ? Et seconde question : vous ne voyez pas quelques contradictions entre le capitalisme prédateur et l’écologie, entre la montée en puissance du capitalisme mondialisé, et la dégradation de l’environnement et des conditions de vie d’une masse toujours plus importante de la population ?
Si c’est ça le terreau du mouvement écolo-bio, moi je parlerais plutôt de fumier ... et les jolies fleurs qui poussent dessus, elles m’apparaissent un peu vénéneuses.

#8305 | Répond au message #8304
Promenade vers La Cigale - L - 16 octobre 2007 à  09:52

Par holistique je veux dire par là que tout est relié. Le capitalisme fait plus que dominer l’ensemble de la société, il conditionne l’ensemble des relations entre les humains. Et par là même le mouvement écolo-bio vit dans et avec le capitalisme. Je pense que l’humanité peut en sortir : rien n’est immuable, tout se transforme. Le capitalisme gangrène le monde, mais soigner un corps nécessite un changement radical de conscience. On passe beaucoup de temps à se dire qu’on doit arrêter de fumer à s’en croire très prêt, et il y a un jour où on a trouvé un levier. Les anti-capitalistes sont nombreux. Ils cherchent le levier. On finira par trouver, si on a le temps.
L’étiquette politique que vous paraissez défendre, vous rattache à un groupe. Je pense que c’est très intéressant d’être au sein d’un groupe pour se construire. Mais pour ça il faut avoir son axe propre, une intention. Sinon on se perd, on subit, on est miroir d’un autre. Et je pense que le mieux que je puisse faire pour participer c’est d’apprendre à me connecter à cette force étrange qui fait que parfois l’action est juste. Là aussi il y a du monde qui cherche.

#8338 | Répond au message #8305
Promenade vers La Cigale - bombix - 16 octobre 2007 à  12:58

Par holistique je veux dire par là que tout est relié.

La définition est un peu vague. D’une manière générale, holisme désigne un système de pensée dans lequel un élément ne peut être appréhendé sans le tout auquel il renvoie ou dont il fait partie. L’essentiel de la notion renvoie à la supériorité du tout sur la partie, et non sur les relations des parties entre elles.

Le capitalisme fait plus que dominer l’ensemble de la société, il conditionne l’ensemble des relations entre les humains.

Le capitalisme a vaincu. Il est notre horizon économique, que nous le voulions ou pas. En revanche dire qu’ il conditionne l’ensemble des relations entre les humains. n’est pas exact. Il y a, heureusement, une bonne proportion des échanges humains qui ne relèvent pas de la logique capitaliste. Par exemple tout ce qui relève du don.

Le capitalisme gangrène le monde, mais soigner un corps nécessite un changement radical de conscience.

L’analogie est douteuse. D’autre part, que dire si les états de conscience dépendent eux-mêmes de l’état du corps, ou des corps ?

Les anti-capitalistes sont nombreux. Ils cherchent le levier. On finira par trouver, si on a le temps.

M’ouais. Est-ce qu’il faut attendre un évènement, vague réminiscence du millénarisme, ou espoir dans une intervention extérieure (un levier ?), d’une sorte de révélation ? Si on a le temps ... Et si on n’a pas le temps ?

L’étiquette politique que vous paraissez défendre, vous rattache à un groupe.

Je n’appartiens à aucun groupe.

il faut avoir son axe propre, une intention. Sinon on se perd

On peut se perdre aussi tout seul. D’ailleurs, c’est même ce qui arrive le plus souvent.

on subit, on est miroir d’un autre

Le danger existe qu’on soit seul ou en groupe. Dans le groupe, l’échange contradictoire, comme le nôtre en ce moment, permet de corriger des erreurs de perspectives ou des fausses appréciations. Rien n’est plus utile à un homme raisonnable qu’un autre homme raisonnable dit un sage.

apprendre à me connecter à cette force étrange qui fait que parfois l’action est juste

Je me méfie beaucoup de ça. J’y sens une petite influence de la new age attitude. Le rapport avec des forces cosmiques, la communion qui nous mène sur la voie de l’action juste : ce sont des rêves. Mais le réel, c’est ce qui résiste, qui fait obstacle. Donc il y a la nécessité de la lutte, et d’abord contre les chimères et les effluves vaporeux qui embrument le cerveau et brouillent la vue.

Cordial.

#8339 | Répond au message #8338
Promenade vers La Cigale - L - 19 octobre 2007 à  10:00

Que reste-t-il du don ?
Un vieux bouquin du siècle dernier sur mon étagère.
On donne ses vieilles fringues à Emaus qui les revend.
On donne de l’amour à son prochain dans les églises.
Les 12 tribus vivent en autarcie. Mais ils achètent des terrains à prix d’or.
Je pense que « la lutte » dont vous parlez c’est ce qui nous perd. J’aime chez Spinoza l’idée de Liberté, conscience de la nécessité. Ça veut dire accepter beaucoup et non lutter.
Je ne parle pas de « forces cosmiques » ni de « la communion qui nous mène
sur la voie de l’action juste ». Effectivement ce serait du rêve. Je pense plutôt à la force terrestre, la gravité, et à « la nécessité qui nous traverse de toutes parts » Alors quand on sent la résistance du réel, l’utiliser non pas pour lutter mais pour grandir. « Le sage a beaucoup plus de forces que l’ignorant » (Spinoza, éthique).

#8362 | Répond au message #8339
Promenade vers La Cigale - bombix - 19 octobre 2007 à  13:10

Heureusement qu’il demeure une grande partie des échanges humains qui ne relève pas de la logique marchande. Dommage que vous l’ignoriez. Par ailleurs, rien dans Spinoza n’incline au fatalisme. Reconnaître le règne de la nécessité, ce n’est pas nier la liberté, mais lui donner un autre sens, celui d’une libération (cf. mon articulet, Spinoza vivant, sur ce site). Et si d’autres n’avaient pas lutté par exemple en 1789, par exemple pendant la Commune de Paris, ou plus récemment pendant la résistance, nous ne serions pas là pour discuter bien au chaud avec un peu de désinvolture de tous ces sujets graves.

Bien à vous,

#8368 | Répond au message #8362
Promenade vers La Cigale - Sérial Griffeuse - 12 octobre 2007 à  12:52

Exact les 12 tribus sont une secte et porte également le nom de THABITHA’S PLACE, qui ont été l’objet entre autre (il y a avait d’autre sectes) récement le sujet d’une émission de canal + lundi investigation sur les conditions de vie des enfants dans les sectes. http://www.ccmm.asso.fr/spip.php?article1724

Très malin car le nom des 12 tribus est un peu moins connu et passe partout. http://www.unadfi.com/spip.php?article622
La municipalité ne connait rien des sectes et pourtant se sont les 1eres à être concernées. Et même quand elle entandent parler de sectes elle ne réagisse pas plus. C’est une secte qui occupe la mouvance soi disant bio mais qui est à la base une religieuse, misant sur les deux tableaux.
Je ne sais pas qui à donner un stand mais se presentant comme "bio et environnemental" , ils les ont bien eu. Serge Lepeltier veut toujours faire croire en son etiquette soi disant écolo.

#8309 | Répond au message #8302
Promenade vers La Cigale - L - 19 octobre 2007 à  09:58

Merci pour les infos. Je suis allée lire, c’est intéressant. A qui profitent les sectes ? T’as une idée ?

#8361 | Répond au message #8309
Promenade vers La Cigale - Mercure Galant - 8 octobre 2007 à 21:06

Dans "Vie Locale", une chronique des rues de Bourges. Quelle affinité. J’en suis !

La petite chronique fait des émules ? Tant mieux !
...Tiens, j’en profite pour "annoncer" -comme j’aurais dû le faire en fin d’article- la destination de la prochaine promenade. Direction, le quartier de la Chancellerie.


#8282