Y a-t-il une vie après l’Agitateur ?

"L’esprit que l’on voudrait garder..."

Interview de Jean-Michel Pinon et Axelle Reboux (première partie)
mardi 11 août 2015 à 07:00, par Mercure Galant

Après l’annonce de son départ, en juin 2009, Jean-Michel Pinon l’ancien rédacteur en Chef et co-fondateur de l’Agitateur avait pris ses distances avec le webzine, pionnier dans son genre,
qu’il a créé et animé pendant douze années aux côtés de Mister K. Sollicités pour évoquer le chemin parcouru depuis lors, JMP et de sa compagne Axelle Reboux, ont bien voulu accepter une rencontre retranscrite dans ces colonnes.

"L'esprit que l'on voudrait garder..."
Jean-Michel Pinon et Axelle Reboud

L’Agitateur : En quittant l’Agitateur pour tenter l’aventure du Berry Ripou, y avait-il la volonté de toucher un public différent ou plus large ?
JMP : Pas plus large non... C’était plutôt pour aller vers la satire pure. Yves Coffy avait déjà connu une expérience en matière de journaux satiriques à Dijon avec une orientation rappelant Hara Kiri. C’était d’ailleurs ce que l’on trouvait aux débuts de l’Agitateur dans la version papier. Moi j’ai relativement peu écrit dans le Berry Ripou, ce sont surtout les autres…
L’Agitateur : Comment l’équipe du Berry Ripou s’était-elle constituée ?
JMP : On a dû faire une ou deux réunions… C’était un peu l’auberge espagnole. Chacun a apporté sa touche à cette aventure. Tout le monde a été fier et content de cette expérience.
L’Agitateur : Combien de numéros sont parus ? Deux ou trois ?
JMP : Oui je crois… Il y avait des numéros doubles avec des suppléments (cédérom et DVD). L’aventure du Berry Ripou a été fatigante. En deux ans, en termes d’implication personnelle, on en a fait autant qu’en 10 ans d’Agitateur. On était à 200%. Pour l’Agitateur on évoluait à notre rythme. Là, c’était presque un projet punk, je dirais. On a tout donné jusqu’à épuisement total, avant de s’arrêter. On a effectué un gros boulot… sans vacances. C’était jusqu’à pas d’heure pour boucler les numéros. Mais ça a été une expérience agréable de repasser au papier avec tout ce que cela implique. On touchait à tout. Le journal était cousu par Laurent et Cécile [1]. L’utilisation de la dupli-copieuse avec le passage des trois couleurs demandait beaucoup de précision et de temps. Il a fallu ensuite trouver les points de vente… C’est Axelle qui s’en est chargée.
Axelle Reboux : Oui les retours étaient très positifs. Les numéros partaient comme des petits pains...
L’Agitateur : Puis il y a eu ce procès lié à une caricature de l’ancien secrétaire général de la Préfecture de Bourges, Matthieu Bourrette, que vous aviez fait paraître suite à l’expulsion d’une jeune russe. Cela a du être un cap difficile pour le journal ?
JMP : Cela a représenté beaucoup de travail pour préparer le procès avec notre avocat Yann Galut et trois autres de ses confrères. Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur, avait également déposé plainte mais celle-ci était arrivée hors délai, donc non prise en compte. On a recherché des éléments pour la constitution d’un dossier très élaboré, très solide. Yann Galut nous a expliqué que même au pénal c’était la première fois qu’il rendait un dossier aussi fourni. Son idée était de rendre ses conclusions le plus tôt possible, avant le procès alors que la stratégie habituelle, c’est de ne dévoiler les choses qu’au tout dernier moment. C’est ce qui a été fait. France 3 avait réalisé un reportage reprenant les grandes lignes de notre argumentation. La partie adverse - en ayant pris connaissance - a commencé à se démonter. On a obtenu plusieurs soutiens, celui de Didier Porte, entre autres… Malgré une erreur de procédure lors du dépôt de plainte de Mathieu Bourrette, celui-ci aurait pu revenir en première instance. En fait on avait toutes les chances de gagner mais il fallait mettre un terme au procès le plus vite possible pour des raisons financières. Le but c’était de le décourager de déposer plainte à nouveau en dévoilant notre argumentation. C’est ce qui s’est passé.

L’Agitateur : Est-ce que c’est ce procès qui a mis un terme à l’aventure du Berry Ripou ?
JMP : Non, cela a été fatigant mais on a embrayé tout de suite sur le DVD où on a parlé de l’histoire de cette jeune fille russe expulsée. On a refait tout le cheminement, ça a encore représenté beaucoup de travail, pour Yves surtout… Ensuite on ne s’est pas dit « on arrête » mais on n’a pas continué effectivement. Il fallait souffler… puis chacun a suivi son chemin. Mais ce n’est pas dit qu’on ne recommencera pas un jour ! En ce moment, il y a les embarrasseurs de Bourges qui font des petits montages dans le même esprit. Nous avons fait quelque chose qui n’existait pas à l’époque...Ensuite vient le moment où il faut passer à autre chose…
L’Agitateur : Après le Berry Ripou, il y a eu Centroscope l’idée d’un pure player . De quoi s’agissait-il exactement ?

JMP : Centroscope est toujours en ligne.
L’idée c’était de créer un pôle d’informations régionales basé uniquement sur la région Centre. D’un point de vue technique je n’ai rencontré aucun problème. J’étais plutôt content de ce qui a été fait. Mais au niveau du temps, c’était plus compliqué. Personnellement j’ai publié essentiellement des informations sur le Cher. Mais il aurait fallu avoir des correspondants dans tous les autres départements. Quelques mois plus tard, est apparu Mag Centre créé par un journaliste qui a repris le concept de Centroscope en tous points… Mais il est confronté au même problème, étant basé sur Orléans les informations relayées sont principalement issues du Loiret. Et surtout, contrairement au discours théorique qu’il entretient, le contenu est proche de la presse quotidienne régionale classique. Il n’a pas cette culture numérique. Son journal, c’est comme si j’ouvrais la République du Centre. Mais jusqu’à présent c’est sa structure qui a le plus de possibilités pour se développer, car il a le temps et les moyens …
L’Agitateur : L’outil est donc intéressant ?
JMP : En fait c’est l’idée qui est intéressante mais ce n’est pas lui qui l’a eue ! (rires) Techniquement le site est très moyen. Au niveau du fond, il n’y a que trois ou quatre articles par an qui sont intéressants et sortent vraiment de l’ordinaire. Par contre le concept est à développer à mon sens. Il faut juste des gens un peu compétents dedans. Paradoxalement on aurait pu se compléter. Lui avait des réseaux, moi j’avais les compétences techniques…Tant pis pour lui, tant mieux pour moi…je fais autre chose. Mais Centroscope existe toujours car j’ai envie d’en faire quelque chose autour de la vidéo et autour de la radio. Cela nécessite des moyens techniques et financiers qui ne sont pas négligeables. Pour l’instant cela reste un objectif dans un coin de ma tête. Et puis à partir de Centroscope, j’ai créé Aranea Editions.
L’Agitateur : Quels en sont les objectifs ?
JMP : Éditer des livres numériques et développer des projets autour du numérique.
L’Agitateur : Des albums par exemple ?
JMP : Oui des CD. Nous travaillons par exemple avec Yves Coffy sur Audiovibrance et les CD Doux Bi. C’est l’équivalent de la petite édition qui existe en version papier. Nous on a inventé « la petite édition numérique » (rires). Mais le but c’est dans un premier temps de privilégier le livre.
L’Agitateur : Qu’avez-vous déjà publié ?
On a édité le deuxième livre de Philippe Bensac. C’était un peu prématuré structurellement. On lui avait parlé de notre projet. Il voulait faire un suite à son premier bouquin et il nous a demandé de nous en occuper. On a donc accéléré les démarches. Nous n’avions pas de compte en banque par exemple et cet ouvrage rentrait dans le cadre de sa campagne électorale. Il fallait donc que tout soit réglé dans les temps...
L’Agitateur : Comment comptez-vous vous faire connaître auprès d’auteurs potentiels ?
JMP : Par le bouche à oreille. Nous avons plusieurs bouquins en attente. Le mien et ceux d’Axelle, d’Yves Coffy, d’Abdoulaye MBaye et d’un musicien de rock.
Chaque auteur choisira mais le mien - actuellement en préparation - sera en licence libre. On va déjà en sortir un, car cela représente beaucoup de travail !
L’Agitateur : Il est utile de préciser qu’il ne s’agit pas là d’une activité à plein temps…
JMP : Oui le principe c’est de ne pas solliciter de subventions… de faire le contraire de ce que je fais à l’association El Qantara , où je prends la mesure de tous les travers de ce système. Ici le but c’est de développer notre projet nous-mêmes. Quand on est payé au smic, tout est plus long tout et plus difficile mais ce n’est pas grave, on prend notre temps.
L’Agitateur : La création du studio photo rentre également dans ce projet ?

Axelle Reboux : Oui, le studio va être proposé à la location aux photographes. Quand j’ai débuté mon activité, j’étais confrontée au fait de ne pas avoir de studio. Il fallait que je loue à des professionnels ce qui faisait grimper la facture et je ne gagnais rien au final. Cette création va également permettre aux amateurs de découvrir la pratique de la photo de studio. Ensuite on aimerait bien développer les interventions d’autres photographes, faire des formations…
L’Agitateur : Existe-t-il au niveau local un potentiel de photographes susceptibles d’être intéressés ? Ou bien comptez-vous brasser plus largement ?
Axelle Reboux : Beaucoup de photographes sont déjà dans des associations mais seraient peut-être intéressés par notre plus grande proximité. J’aimerais ouvrir à la région Centre. On peut imaginer organiser un événement avec l’idée du partage, cette idée associative, cet esprit que l’on voudrait garder.
L’Agitateur : Commencez-vous à vous faire connaître sur le secteur ?
Axelle Reboux : Sur Bourges pour le moment et peut-être sur la Touraine dès la rentrée... Je voudrais essayer de démarcher certaines galeries. Pour organiser des expositions mais également pour faire connaître le lieu. Ce qui manque à Bourges, c’est un collectif, un vrai pôle photographique.
L’Agitateur : Il existe pourtant des associations, des clubs…
Axelle Reboux : Oui, j’en ai d’ailleurs fait partie, mais dans les clubs photo la tranche d’âge est assez élevée et l’on sort difficilement des schémas classiques de la photo. J’ai procédé à une remise en question sur ma propre pratique photographique. Cela a pris du temps, pendant lequel je n’ai pas touché à un appareil. Je me suis demandée ce que je voulais véritablement faire. On passe nécessairement par différentes phases que j’ai décidé de ne plus suivre. Je fais encore de la photo noir et blanc en argentique, je ne travaille plus qu’avec un appareil moyen format en 6X6, et je développe moi-même. Avec le projet Aranea on voudrait développer cette finalité plus « artistique ».
(...à suivre)

[1Laurent Quillerié et Cécile Pouyat de la Galerie Pictura


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commentaires
"L’esprit que l’on voudrait garder..." - SuperBourgesMan - 12 août 2015 à 22:49

J’ai bien compris que c’était un journal de superhéros, l’Agitateur, alors je ne comprends pas : pourquoi l’interviewé ne revêt-il pas sa combinaison de Batman ?


"L’esprit que l’on voudrait garder..." - Socialisme et un peu de sérieux - 12 août 2015 à 18:37

Mais pourquoi ?