Gaspard Thaumas de la Thaumassière

mercredi 1er juin 2011 à 08:52, par bombix
Gaspard Thaumas de la Thaumassière

Le premier historien du Berry

Savant, historien et jurisconsulte, né à Sancerre en 1630, mort à Bourges en 1702, Gaspard Thaumas de la Thaumassière est l’auteur d’une « Histoire de Berry », première du genre et monumentale, parue en pour la première fois en 1689 et constamment rééditée.

On dispose de peu de sources concernant la vie de Gaspard Thaumas de La Thaumassière. Comme on peut le lire dans l’Introduction à la réédition de son « Histoire de Berry » [1]« les recueils biographiques ne se sont pas occupés de lui d’une manière qui répondit à l’importance de l’homme ». Le savant historien aurait eu mauvaise réputation : « Le caractère de l’auteur [ ...] a pu être quelque chose dans cet oubli, résultant peut-être d’un défaut d’estime pour la personne qui a pu rejaillir sur l’historien. »

En 1840, M. Chevalier de Saint-Amand, bibliothécaire de Bourges, lui consacre une étude biographique qui « se recommande par un tour spirituel et l’exactitude des renseignements », mais, précise la même Introduction, « n’embrasse guère que le côté anecdotique du caractère qu’elle se proposait d’esquisser [...] Le point de vue le plus sérieux, celui qui concerne l’érudit, est aussi le plus négligé. »

Un bourgeois qui aspire à gagner les rangs de la noblesse

Gaspard Thaumas de la Thaumassière est né à Sancerre « dans cette maison dont La façade, toute de pierre de taille, regarde le Midi devant la croix de la Paneterie » en 1630. Il était le fils aîné de César apothicaire, puis médecin de Henri II de Bourbon, Prince de Condé, et de Jacquette Guichard, née à Saint-Satur, et joints en mariage le 1er mai 1620.

Apothicaire et médecin, César Thaumas de la Thaumassière appartient donc, par ses origines, à une bourgeoisie aisée qui aspire à gagner les rangs de la noblesse. Avant son mariage, César avait eu à soutenir un procès au cours duquel il tenta — en vain apparemment — de prouver ses origines nobles. Après son mariage, il s’arrogera le titre de « Seigneur de Puyferrand » en référence au domaine que Jacquette Guichard lui avait apporté en dot.

Peu après son mariage (1652) Gaspard embrassera la profession d’avocat. En 1653, il se fit recevoir en sa qualité d’avocat au bailliage et siège présidial de Bourges. En 1660 et l’année suivante, il publia les deux premières centuries de ses « Questions sur les Coutumes de Berry ». Le 29 juin 1663, il fut nommé avocat des affaires communes de la ville. Enfin, en 1666, il fut nommé échevin de Bourges – ce qui lui valut de pouvoir enfin prétendre au titre tant convoité d’écuyer [2].

En 1679, un scandale ternit la réputation du jurisconsulte qui s’était déjà fait connaître au public savant par des travaux réputés. Maître Thaumas tente d’enlever par la force, avec la complicité d’un juge prévot peu scrupuleux, pour « en avoir la tutelle et garde bourgeoise » (« on ne saurait dire à quel prix », persifle son biographe), une jeune fille mineure, Jeanne-François Gillet, placée par son aïeule à la mort de son père comme pensionnaire dans l’abbaye de Saint-Laurent.

Un juriste et un historien éminent

En 1681, il est nommé docteur agrégé de la faculté de droit de Bourges, par arrêt du Conseil du roi. 1683 : sa seconde femme, Louise Thinat, meurt. Il en prend une troisième, Marie Bengy, en décembre de la même année. Ce troisième mariage fait jaser... De cette époque date sa publication de son « Histoire de Berry », qui lui vaudra de passer à la postérité. La qualité et l’ampleur de son travail lui valent un succès immédiat. Il faut dire qu’il eut aussi l’art d’intéresser à son travail des familles plus ou moins riches en composant le Nobiliaire de Berry – qui remplit les deux derniers livres du volume. On raconte même qu’il aurait vendu « jusqu’à soixante pistoles la place que sollicitait dans ses catacombes féodales la vanité de quelques hommes nouveaux. »

La Thaumassière meurt à Bourges le 14 juillet 1702. Il est enterré dans l’église de Fourchaud.

Oeuvres

Questions et Réponses sur les Coustumes du Berry, avec les arrests et jugements rendus en interprétation d’icelles, divisées en deux centuries : Bourges, Jean Chaudières , 1660 et 1661, in 4

Décisions sur les coutumes du Berry (les quatre premiers livres), suivi de : Le franc-aleu de la Province du Berry, ou Traité de la liberté des personnes et des héritages de Berry, Bourges, Jean Toubeau, 1667

Histoire de Berry, nouvelle édition, avec introduction précédée d’une notice biographique concernant l’auteur, Bourges, réimpression par la Revue du Berry, imprimerie Jollet Fils, 1866

[1Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry, nouvelle édition, avec introduction précédée d’une notice biographique concernant l’auteur, Bourges, réimpression par la Revue du Berry, imprimerie Jollet Fils, 1866.

[2La coutume en remonte à Louis XI qui avait accordé ce privilège aux échevins de Bourges. Il le restera seize mois sans être réélu.


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commentaires
Gaspard Thaumas de la Thaumassière - Geonget - 20 juin 2011 à 22:09

Cher monsieur,

Vous avez parfaitement raison d’attirer l’attention sur cet illustre auteur. Il y aurait un vrai travail à mener sur lui. En attendant, et à toutes fins utiles, je vous signale sur ce sujet des écrivains juristes — la tradition remonte à Bourges au tout premier XVIe siècle — le volume que j’ai fait paraître il y a quelques mois, Bourges, hommes de lettres, hommes de lois, Klincksieck, 2010.
http://www.klincksieck.com/livre/?GCOI=22520100730940&fa=sommaire
Plusieurs des contributions font référence à ces travaux.
Avec mes plus cordiales salutations.


Stéphan GEONGET
Maître de Conférences de littérature française de la Renaissance
Membre Junior de l’Institut Universitaire de France (IUF)
Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (CESR, Tours)
http://www.univ-tours.fr/geonget


Gaspard Thaumas de la Thaumassière - bombix - 21 juin 2011 à  04:05

Merci pour votre intervention et ces indications. A noter, la très belle étude de Monsieur Jean-Yves RIBAULT, ancien conservateur de la bibliothèque de Bourges et Président de la Société d’Archéologie et d’Histoire du Berry, Un historien provincial au XVIIème siècle Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Bulletin d’histoire moderne et contemporaine, n°14, p. 7 à 36. Monsieur Ribault note la solitude intellectuelle de La Thaumassière — et sa découverte, alors que son Histoire est déjà bien engagée, des méthodes nouvelles et des progrès des techniques érudites des historiens de son temps. "Voilà qu’en cours de route, il se trouve confronté aux considérables progrès qui s’élaborent, loin de lui, à Paris. Dans son isolement relatif, son mérite n’est que plus grand, ayant dû se créer lui-même ses méthodes, de les avoir fait coïncider avec les entreprises de l’érudition laïque et religieuse. Le destin de La Thaumassière, même s’il n’a pas répondu totalement à son ambition, exige le respect." (p.27)
L’étude de J.Y Ribault est instructive également sur la façon dont on écrit l’histoire, et qui évolue avec le temps et les sociétés qui portent les historiens. Concernant l’histoire de La Thaumassière : "Pas de géographie, sinon une géographie de dépendance, de rattachement, de hiérarchie. Pas de chronologie non plus : l’histoire est considérée comme un océan étale, immobile, dont il faut rechercher les contours un peu perdus dans la nuit des temps et dont la surface est à peine troublée par les événements qui affectent la vie des princes, tout le contraire donc d’un fleuve puissant qui progresse en creusant son lit. [...] Absence totale du peuple, de tout ce qui n’est pas noble ou notable et qui par définition est exclu du discours historique [...] Mise en vedette des hommes célèbres que l’auteur place dans l’entourage immédiat des puissants [...] Pour la plupart des professeurs de droit de l’Université de Bourges, qui représentent pour lui une sorte de magistrature intellectuelle et morale." (p. 28)

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Gaspard Thaumas de la Thaumassière - Stéphan Geonget - 22 juin 2011 à  10:16

Merci à vous pour ces indications. Je ne connaissais pas cet article et vais me le procurer rapidement. Cela dit, après un rapide tour d’horizon sur les bases en ligne, la bibliographie sur cet important auteur semble bien légère, ce qui est évidemment tout à fait regrettable. Il y a un patrimoine riche à Bourges sur ces questions et un travail de mise en valeur serait tout à fait nécessaire.

De façon générale, la question se pose, me semble-t-il, en des termes bien différents pour le premier XVIe siècle (durant laquelle, sur ces questions juridico-littéraires, l’école de droit est à l’avant-garde de la "modernité") et au XVIIe siècle qui semble être déjà une période de repli. C’est le moment d’ailleurs où le recrutement des professeurs devient, comme par hasard, un recrutement local…

Avec mes cordiales salutations,

Stéphan Geonget

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