Maurice Allais avait tout prévu !
Maurice Allais, Prix Nobel d’économie vient de mourir le samedi 09 octobre 2010, mais ça n’a pas fait grand bruit dans les médias...
On pourrait penser qu’un homme paré d’un titre aussi prestigieux (et l’un des rares Nobel français), aurait été interviewé à tout bout de champ dans les journaux télévisés pour donner son avis sur la manière de sortir de la crise économique, qu’il aurait été invité parmi les "experts" qui entourent habituellement Calvi, que le chef de l’État aurait sollicité ses conseils, que le ministre de l’économie en aurait fait autant... Non.
Alors pourquoi ?
Parce que le "Prix Nobel d’économie" n’existe pas ? En effet, il s’agit en réalité d’un "Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel". Vous avez bien lu : un prix décerné par la Banque de Suède. Alfred Nobel n’a jamais créé de prix pour l’économie !
Pourtant les médias encensent les nobélisés théoriciens de l’économie libérale à la sauce étatsunienne et leurs tendent les micros lorsque nous recevons leur visite... Donc ce n’est pas par méfiance envers le soi-disant Nobel d’économie que les médias ne donnaient pas la parole à Maurice Allais.
Alors, pour quelle raison Maurice Allais était-il absent des télévisions, des radios et des journaux ?
Maurice Allais était boudé par les médias, à cause de sa critique des excès de la doctrine libérale qui sévit actuellement. Et comme sa démonstration était efficace et convaincante, on préférait ignorer et réduire au silence cet homme favorable au libéralisme, mais à un libéralisme réglementé et encadré. Libéralisme réglementé et encadré, c’est pas tendance.
Maurice Allais s’était penché sur les effets destructeurs de la mondialisation, il se prononçait pour un protectionnisme raisonné. Il observait que depuis 1974, début du libre-échangisme comme doctrine dominante, la France subit une croissance massive du chômage, une réduction sévère des effectifs de l’industrie et une réduction très nette de la croissance.
Pour lui, il ne peut y avoir de salut qu’en rétablissant un protectionnisme par zones de même niveau de vie, c’est à dire en excluant les pays d’Europe de l’est. Révision du principe même de l’Union européenne qui repose sur le libre-échangisme absolu et sur un grand marché étendu à tout le continent. Il soupçonne les instances européennes d’être soit à la solde des grandes puissances d’argent soit d’une incompétence notoire.
Selon Allais, le démantèlement total des protections aux échanges, décidé conjointement par les Etats-Unis et la Commission Européenne pour créer l’OMC, conduit inexorablement à la destruction de l’industrie française, de son agriculture et de ses services, donc à l’appauvrissement irrémédiable de la France et de ses habitants.
Toute son analyse montre que la libéralisation totale des mouvements de biens, de services et de capitaux à l’échelle mondiale (objectif affirmé de l’Organisation Mondiale du Commerce et des autres "machins" de la même famille), doit être considérée à la fois comme irréalisable et nuisible, donc non souhaitable. Comme il le disait : "La mondialisation, on ne saurait trop le souligner, ne profite qu’aux multinationales." !
"Maurice Allais n’était pas seulement un chercheur théoricien, c’était aussi un savant qui prenait part au débat public. Il s’était depuis longtemps élevé contre certaines dérives de la mondialisation (et) était un ardent défenseur de la réforme du système monétaire international". "Après la crise que le monde a connue, les travaux de Maurice Allais restent d’une grande actualité et démontrent la nécessité de l’action publique pour réguler l’économie de marché" peut-on lire dans le communiqué de la Présidence de la République rendant hommage à l’économiste.
De la part d’un Président si actif au service des puissances d’argent, de la mondialisation, et propagandiste du catéchisme du libéralisme économique, c’est un bel exemple de langue de bois ! Mais Maurice Allais ne se faisait pas d’illusions, il avait même prévu de démonter cet hommage hypocrite, puisqu’il écrivait : "Ceux qui détiennent le pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants, ou des trompeurs."