Déchets irrécupérables
A la recherche des heures d’ouverture des déchetteries de Bourges, je consulte le site de la Ville. Je tombe sur cette page intitulée « Déchéteries ». Avec un seul « t » au lieu de deux. Intrigué, je cherche l’orthographe exacte de la chose. Et là, surprise, c’est bien déchèterie avec un seul « t », déchetterie avec deux « t » étant une marque commerciale !
Il s’agit en fait d’un néologisme créé par l’ANRED en 1987 (ancêtre de l’ADEME), qui ayant créé le concept d’apport volontaire, vendait à des sociétés de services une licence d’utilisation de ce mot protégé comme une marque commerciale. L’Académie Française a finalement réglé leur compte à ses petits malins qui croyaient se faire du fric avec nos déchets. Tout comme dans bonneterie ou parqueterie, il ne faut mettre qu’un seul « t », le suffixe –terie n’existant pas (seul existe le suffixe –erie). Tout ça est bien anecdotique me direz-vous, et ne mérite pas qu’on s’y attarde très longtemps [1].
Mais ça m’a rappelé un entrefilet lu cet été dans un organe de presse qui tente de traiter l’actualité locale, intitulé (de mémoire) : « Un voleur interpellé à la déchetterie ». Et qu’avait volé ce voleur ? Quelques kilos de ferraille jetés par des Berruyers. Question : depuis quand est-on un voleur quand on récupère des objets jetés (qui n’ont donc plus de propriétaire) ? Réponse : depuis que la gestion des déchèteries de Bourges a été confiée à une société privée. Parce que ça rigole pas, une société privée. Dès que ce que vous ne voulez plus touche le fond de la benne, ça lui appartient. Et revendre ensuite un truc qui ne vous a rien coûté, c’est tout bénef.
Auparavant, si vous ne vouliez plus d’un vélo ou d’une télé en état de marche, il était d’usage de le laisser sur le côté de la benne, bien en évidence pour un éventuel repreneur. Si vous arriviez avec quelques tuyaux rouillés ou une machine à laver hors d’usage, vous aviez immédiatement des « spécialistes » qui s’empressaient de vous aider à les décharger pour les mettre dans leur camion. (Je dis « spécialistes » pour ne pas stigmatiser, comme on dit maintenant, ceux qui sont reconduits par charters entiers en Roumanie). Ça aussi, c’est interdit. Et n’essayez surtout pas de récupérer un objet que vous auriez jeté accidentellement, vous seriez un voleur ! Donner c’est donner, reprendre, c’est voler ! Et pour traquer les voleurs, les grands moyens sont déployés : il y a maintenant des cameras de vidéosurveillance, dans les déchèteries. Des déchets videosurveillés ! On croit rêver, là, non ?
Pour en revenir à notre pauvre gars voleur de ferraille, il a passé la nuit au poste. Faut dire qu’il avait un peu cassé le cadenas de la déchèterie pour entrer. C’est vrai, ça se fait pas. Et puis c’était un petit peu la nuit, aussi. Mais bon, comme c’est interdit de récupérer ce que jettent les autres de jour, il faut bien faire ça la nuit, non ? Sinon, comment voulez-vous qu’il se paye sa Rolex à cinquante ans ?