Le nucléaire est-il recyclable dans le pétrole ?

Les méfaits des publi-reportages de Bouygues Areva dans la bouche des petits
lundi 13 octobre 2008 à 09:33, par Miss J

Notre joyeux petit Président de la République prétend que la solution aux problèmes du pétrole est le nucléaire. Physicienne de formation, plutôt adepte du nucléaire, j’ai quand même gardé un peu de sens critique, et il est clair que le nucléaire est largement moins la solution au renchérissement du pétrole qu’à une véritable politique urbanistique et d’inévitables économies d’énergies.

Le mythe du nucléaire comme palliatif à l’utilisation du pétrole

Déjà cassons ce mythe avec les faits :
la France est le pays d’Europe avec le plus gros parc nucléaire, mais c’est aussi un des pays qui consomme le plus de pétrole par tête de pipe.

Le nucléaire est-il recyclable dans le pétrole ?
Consommation de pétrole en Europe
(Source : Eurostat, note 126/2006 du 21.09.2006)

Aujourd’hui déjà, le lien plus de nucléaire égale moins de pétrole n’existe pas. Donc comment, pourrait-il y avoir un lien demain ?

Comprenons donc, et analysons les effets pervers de l’hypothèse où l’on substitue le nucléaire au pétrole.

Pourquoi le pétrole c’est bon

En dehors de ses délicieux arômes de benzène hautement cancérigène, le pétrole a ceci de particulier que pour un faible volume on récupère de l’énergie facilement délivrable avec surtout une bonne puissance et une souplesse inégalée dans le régime.

La puissance kezako ?

La puissance, c’est la différence entre passer de 0 à 100 km/h en 1 minute et en 10 secondes. C’est la capacité à moduler l’énergie que l’on récupère en peu de temps. Et là se situe le noeud du problème plus que dans l’énergie elle même.

Et le rapport avec le pétrole ?

Prenez une centrale électrique au nucléaire, pour augmenter ou diminuer le régime de la centrale, les réactions en jeu ont une telle inertie qu’il faut des heures pour augmenter au diminuer de 10% la production d’une centrale, donc, EDF quand il y a des pics d’activités fait tourner des centrales hydroélectriques, à gaz, à essence ou au charbon pour compenser l’énergie manquante.

Pourquoi y-a t-il des pics et pourquoi sont-ils importants ?

Exemple de variation de consommation électrique (PACA)

Oui ils sont importants : le matin les gens se réveillent, ils mettent le chauffage, ils se font à manger, ils vont au boulot, allument les ordinateurs, vont manger, etc... On constate des variations de l’ordre de 25% dans la journée.

Pourquoi écouter notre "Bien Aimé Président" entraîne un premier effet vicieux

Si on dit "le nucléaire c’est bon mangez-en", et que l’on prend la cas du chauffage électrique, alors, avant de se chauffer, il faut acheminer l’énergie, et les pertes sont énormes (loi de Joule 40% de perdu), ensuite, quand on chauffe les pertes sont énormes (loi de Joule 40% de perdu), enfin, comme on lance tous nos chauffages en même temps il faut pallier le pic électrique par une consommation accrue de pétrole. Et là où c’est marrant, c’est que là où il fallait 1 litre pour se chauffer avec sa petite chaudière à fuel, il en faut au moins 6 fois plus quand on passe par le circuit pétrole -> électricité -> chauffage électrique.

Vive le nucléaire qui fait consommer plus de pétrole pour utiliser moins de pétrole

C’est tout ?

Mais non. Je suis sûre que vous avez remarqué que l’on utilise surtout le pétrole pour nos déplacements (94% du pétrole est utilisé pour le transport). Mais savez-vous que l’on ne sait pas stocker l’énergie électrique ?

Si, on peut faire de l’électrolyse : on met deux fils dans de l’eau salée, et d’un côté on obtient de l’hydrogène, de l’autre de l’oxygène. En l’état, le rendement est de 30% approximativement.
Seulement :

  1. l’hydrogène est méchamment inflammable
    L’hydrogène est très inflammable
  2. le gaz c’est vachement encombrant.

Donc, pour utiliser de l’hydrogène, il faut le liquéfier, et faire une chaîne de transport (aujourd’hui par camion réfrigéré)... qui consomme du pétrole en attendant d’éventuels hydroducs réfrigérés énergivores.

Autrement dit, l’hydrogène sous-produit des centrales nucléaires comme combustible dans les voitures à la place du pétrole c’est autant une bonne idée que les agro-carburants : on risque bien de consommer encore plus de pétrole.

Cassandre ne peut-on rien faire ?

Si, déjà méditer en regardant l’encombrement comparé pour un nombre de personnes, entre un bus, une voiture ou un vélo par personne :

On constate qu’il serait peut être intelligent d’avoir des vestiaires / bains-douches publiques pour les cyclistes, des transports en commun fiables et fréquents en lieu et place des promesses de fréquence et de fiabilité, et que peut-être que les entreprises, au lieu de s’implanter à côté des beaux quartier où habitent les patrons, y gagneraient en s’implantant là où les gens habitent.

Et la puissance dans tout ça ?

La puissance en fait revient à prendre son temps !

Regardons par exemple la comparaison entre péniche et camion (notons que émissions CO2 et consommation de pétrole sont "kif kif bourricots")

Mode de transport par ordre d’énergivorité

On constate quand même que par exemple le transport fluvial / maritime est plus rentable.

Pourquoi ? Les bateaux sont certes plus lents, les trains "itou", mais ils transportent plus. Donc, on ne peut plus faire du zéro stock, du "juste à temps" si on veut se passer des camions.

Comprenez vous ?

On tue la délocalisation !

On tue le T-shirt chinois qui nous permet de boucler les fins de mois difficiles en dépensant moins. Adieu les sorties mondiales de gadgets en même temps partout dans le monde !

Le village global voit ses hameaux s’éloigner, la mode prendre 5 mois pour se répandre, les téléviseurs plasma devenir plus chères, les fraises en hiver disparaître, et le coût d’internet doubler.

Pour s’adapter au pétrole cher il n’y a que deux règles qui peuvent marcher :

  1. consommer moins...d’énergie ;
  2. prendre son temps.

Consommer moins d’énergie, cela veut dire mutualiser les transports humains et de marchandises car sachant que 94% du pétrole est utilisé dans le transport, c’est bien la priorité numéro 1.

Prendre son temps, cela veut dire que beaucoup de nos dépenses d’énergie sont liées à des contraintes de temps :

  1. On perdrait le marché si on arrivait en second : hop, on transporte par camion ;
  2. On a que 3 jours de vacances ? Ben on prend l’avion ou la voiture plutôt que le train pour gagner 6 heures de temps libre ;

Notre "Bien Aimé Président" est-il donc mal conseillé ?

Tout ça c’est que du connu, ressassé, accessible pour un niveau BAC, donc à fortiori aux énarques, X, Mines Ponts qui entourent notre beau et intelligent président.

Bon, il est aussi le meilleur ami des bétonneurs et concessionnaires de péages, au point qu’il a offert le nucléaire à son pote Bouygues.

Et comme il ne jure que par la croissance, on a l’impression quand on l’entend vanter le nucléaire qu’il essaie surtout de vendre un produit, et comme pour toute publicité, il faut un peu douter de ce qui est dit.

Pour vous donner un exemple : depuis la publicité qui incite à manger 5 fruits et légumes par jour pour avoir une alimentation équilibrée, je mange maintenant 2 petits pois, et 3 cerises par jour et on me traite d’anorexique, alors que ma voisine qui a choisi de manger 3 pastèques, 1 chou et 1 potiron se fait traiter de boulimique...

Alors, de grâce, si vous devez retenir une chose de cet article, c’est :
ne croyez pas les publi-rédactionnels, quand bien même ils sortent de la bouche d’un grand président.

commentaires
Le nucléaire est-il recyclable dans le pétrole ? - B. Javerliat - 13 octobre 2008 à 13:14

Dans son débat avec Dominique Voynet lors du Festival du film écologique, Serge Lepeltier s’est clairement prononcé en faveur du développement nucléaire en "attendant" l’arrivée de nouvelles énergies, car cette énergie ne dégage pas de CO2. Dommage qu’il n’ait pas pu lire l’article de Miss J avant de dire pareille énormité !


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