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SOS AMITIÉ

Manuel de survie pour les barons de l’UMP et du MEDEF

lundi 1er septembre 2003 à 00:00, par Charles-Henry Sadien

Amis de la prospérité individuelle, le peuple laborieux a faim, il vous est hostile. La plus grande méfiance est recommandée afin de déjouer les plans maléfiques des bolcheviques qui vous promettent une rentrée chaude. En exclusivité, L’Agitateur vous délivre ses conseils pour que vous puissiez négocier sans encombre cette période de turbulence avant que la rébellion ne soit matée impitoyablement par notre guide céleste, Jean-Pierre Raffarin.

1- VÊTEMENTS DE PROTECTION. Face aux risques d’agressions physiques liés à la rentrée chaude promise par les anarcho-syndicalistes et toutes ces saloperies de socialo-communistes révolutionnaires, nous recommandons fortement à toute personne respectable (membres ou sympathisants de l’UMP, chefs d’entreprises, personnes ayant des noms à particule et catholiques traditionalistes) de porter une tenue sécurisée, garantie un an par la SARL Sarkozizi.

En premier lieu, et ce afin de limiter les attaques suicides de vigoureux retraités de plus de soixante quinze ans se transformant en bombe humaine, il est indispensable de porter en toutes circonstances, une ceinture de chasteté de marque Roselyne 2003. Ces ceintures ultra-modernes ont été éprouvées avec succès sur des macaques en rut. Elles sont constituées de laiton et comportent une serrure blindée en or massif. Le tout est recouvert d’une couche de trois centimètre de Kryptonite afin d’annihiler totalement la virilité d’éventuels Supermen dopés au viagra.

Recouvrez-vous ensuite le corps de rembourrages molletonnés. Pour cela vous pouvez vous rendre dans un magasin de déguisement afin d’acheter la tenue de Casimir. Achetez ensuite la tenue authentique de Goldorak (en métal lourd, avec lance-roquettes intégrés aux avants bras), que vous porterez par dessus la tenue de Casimir. Dans le dessein de passer inaperçu et de recouvrir votre tenue de protection, procurez-vous des vêtements usagés et de faible qualité. Nous recommandons la marque Emmaüs, très prisée des gueux.

Enfin, n’oublier pas de vous munir de solides bottines récupérées dans des camps militaires désaffectés ou sur des rave parties, que vous pourrez orner de clous de dix centimètres environ.

2- RÈGLES ÉLÉMENTAIRES DE COMPORTEMENT. Tout d’abord, nous vous conseillons fermement de ne pas ouvrir la porte aux inconnus. S’il s’agit de votre postier, méfiez-vous encore davantage : il se peut qu’il soit en grève et qu’il vienne quémander une réunion de négociation. Ne vous y trompez pas : c’est un euphémisme pour dire qu’il veut vous extorquer de l’argent, et obtenir toutes sortes d’avantages sociaux, nuisibles à votre prospérité. Dans ce cas, dites, (derrière votre porte dûment blindée et verrouillée), la phrase suivante avec une voix d’enfant (au besoin, si vous avez la voix trop rauque, faites parler un de vos esclaves sexuels de moins de douze ans caché dans votre cave) : « Papa est en réunion chez les alcooliques anonymes, maman est partie ramasser de l’argent sur le trottoir, mon grand frère est en prison mais il est innocent et je n’ai pas le droit d’ouvrir. Allez-vous-en ou j’appelle la police ! » Ces gens là sont tellement atteints de sensiblerie qu’ils s’en iront les larmes aux yeux non sans avoir omis de glisser un chèque dans votre boîte aux lettres. Avec un peu de chance, ils se diront qu’il y a plus malheureux qu’eux, et ils cesseront leur grève.

Si malgré nos avertissements vous décidiez d’ouvrir - à vos risques et périls - la porte à un roturier, n’avouez en aucun cas être le propriétaire de votre vaste demeure. Dites plutôt que vous n’êtes qu’une pauvre femme de ménage portugaise sous-payée et surexploitée. Pour paraître plus crédible, munissez-vous de fausses moustaches et enduisez vous le corps de parfum à base de morue. Il ne vous restera plus qu’à tendre la main pour recevoir un petit billet destiné à pourvoir à l’éducation de vos douze enfants que vous élevez seule depuis la disparition de votre mari déchiqueté par une bombe atomique durant la guerre des Malouines. Avec un peu d’imagination, un air de chien abattu, et à la condition expresse que votre interlocuteur n’ait aucune connaissance en géopolitique, vous devriez pouvoir récolter au moins 20 euros.

Autres recommandations de bon sens :

a) Ne circulez pas dans la rue entre 0h00 et 24h00.

b) Ne répondez pas aux appels masqués sur votre téléphone portable : il se peut que des journalistes déguisés en Batman aient des questions piégées à vous poser.

c) Si vous êtes un grand amateur d’art, veuillez cacher le portrait du Maréchal Pétain qui trône au dessus de votre lit en baldaquin, ainsi que la photo de votre grand père serrant la main à monsieur Hitler. Sentimental, va !

d) Suspendez provisoirement votre abonnement au journal Le Figaro et faites vous livrer L’Humanité. Installez-vous sur votre terrasse donnant accès sur la voie publique et faites semblant de le lire. Grommelez à intervalles réguliers : « Ah, ces cochons de patrons !, « Y’en a marre, c’est tout le temps les pauvres qui payent », « Quoi ? Le gouvernement veut encore privatiser ? C’est un scandale ! », « Il faut rétablir l’impôt sur la fortune ! », « Un jour, ça va pêter ! ». Ça fait plus vrai.

e) Laissez vos enfants à l’école privée, mais ne dites pas que ce sont les vôtres. Ou alors, si vous craignez un attentat, retirez-les, mais ne les envoyez pas à l’école publique : ils risqueraient de se faire trancher la gorge par des petits bougnoules. Gardez-les plutôt chez vous, et passez-leur en boucle les cassettes vidéos de Capital.

f) Essayez de récupérer des tickets de bus ou de métro oblitérés afin de prouver, le jour de votre éventuel procès, que vous ne vous déplacez pas en voiture particulière avec chauffeur. Licenciez votre chauffeur.

g) Dites à voix haute et intelligible que vous niquez la police, à chaque fois qu’un jeune en survêtement passe devant votre maison.

h) Ne cultivez pas de plantes transgéniques dans votre jardin, sauf s’il s’agit de fleurs de cannabis.

i) Engagez José Bové pour un travail d’intérêt général (faites refaire votre piscine privée, par exemple).

3- GESTION DE VOTRE PATRIMOINE. Première mesure impérative : transférez vos comptes bancaires en Italie. C’est un pays sûr, avec un gouvernement à l’ancienne comme on l’aime, une justice facilement corruptible et une mafia qui vous rendra bien des services. Si vous êtes patron, invoquer des mesures sanitaires pour fermer temporairement votre entreprise. Profitez de l’absence de vos salariés pour vider vos locaux et entrepôts - c’est très tendance - et partez avec la caisse dans un pays où vous ne serez pas extradé. Nous vous conseillons la Lituanie.

Pour ce qui est de vos véhicules de transport, le plus simple est de les brûler vous-même avant de vous les faire voler par des raclures de la société. En ce qui concerne vos voitures de collection, planquez-les dans votre abris anti-atomique. Vendez vos résidences secondaires, sabordez votre bateau de plaisance privé, précipitez votre hélicoptère contre le siège social de Lutte Ouvrière.

Stockez vos costumes et robes de soirées dans le congélateur : personne n’aura l’idée d’aller les trouver ici. Vos colliers, rubis et autres bijoux précieux devront être ingurgités par voie buccale ; a priori vos agresseurs ne devraient pas être barbares au point d’avoir l’envie subite de vous éventrer. Achetez-vous tout de même des médicaments contre la diarrhée : en dépassant la dose prescrite, vous devriez être atteint de constipation, ce qui vous permettra de conserver vos précieux effets plus longtemps, bien en sécurité, à l’intérieur de vos intestins. Une fois le conflit terminé, mangez des asperges afin de faciliter un glissement en douceur de vos objets de valeur, par voie anale. Surtout si vous avez avalé des lingots d’or.

4- ET SI VOUS VOUS FAITES PRENDRE ? Dans ce cas, assurez-vous immédiatement les services des avocats de Maurice Papon. Prévoyez une procédure longue, jusqu’à la Cour Européenne de Justice, qui, rassurez-vous, saura trouver les arguments pour vous innocenter à coup sûr.

Quoiqu’il arrive, niez tout en bloc et rejetez la légitimité du tribunal à vous juger. Dites que vous avez été maltraité en prison, invoquez des délais de prescription, dénoncez un « acharnement médiatique », défendez la thèse du complot, commandez à un nègre l’écriture d’un livre signé de votre nom, apportez vos preuves : les tickets de bus, vos exemplaires de L’Huma, une photo de vous en compagnie de José Bové, votre abonnement au RMI (celui de votre chauffeur dont vous aurez préalablement falsifié le nom pour mettre le votre à la place)… tout ce qui pourrait convaincre vos bourreaux que vous n’êtes pas un nanti qui suce le sang du peuple. Afin d’être dispensé de peine, faites valoir un certificat établissant un état d’aliénation mentale, ou une maladie incompatible avec la vie en milieu carcéral. Dans l’idéal, faites-vous élire Président de la République (achetez-vous Le Pen comme adversaire au second tour des élections).

En conclusion, rappelez-vous que le temps vous est favorable car les traînes savates n’ont pas les moyens financiers nécessaires à une révolte durable. Il est donc pour vous urgent d’attendre et de gagner du temps. Si vos employés veulent négocier, dites que la conjoncture est délicate, que vous êtes au bord du dépôt de bilan ou que vous êtes occupé dans les toilettes. D’une manière générale, que vous soyez patron ou élu, laissez pourrir la situation. Utilisez les médias pour saper le moral des prolétaires en déclarant que « c’est l’intérêt général qui compte », « ce n’est pas la rue qui gouverne », « je fais ce que je veux et je vous emmerde ». On peut espérer raisonnablement qu’une fois les caprices du peuple atténués, notre guide Jean-Pierre Raffarin fera instaurer un impôt sur l’infortune qui s’adressera aux faibles revenus et qui servira à vous indemniser pour les dommages que vous avez subi durant cette désagréable période.