Saint-Florent au Centre des opérations

"Bon, ça ne s’est pas trop mal passé !" Askaan, organisateur de la soirée Hip-Hop à Saint-Florent-sur-Cher peut légitimement être satisfait. Un signe ne trompe pas : le dernier set avec les castelroussins de DBH est terminé depuis un bon quart d’heure mais DJ Ness joue les prolongations pour le dernier carré d’irréductibles pendant que d’autres font le ménage et rangent le matériel. Un des danseurs Florentais qui a illuminé la soirée de ses prouesses continue infatigablement son show tandis qu’une minette se dandine avec un balais dans les mains comme pour savourer ces derniers instants précieux. Quelques heures plus tôt Askaan parcourait désespérément les routes du département à la recherche d’une sono. Chapeau.

PAS D’EMBROUILLES. L’espace d’une soirée, Saint-Florent-sur-Cher a regroupé la crème de la scène Hip-Hop en Région Centre, à l’initiative de Faces Grillées Productions (Bourges) et de l’association locale Arc-en-Ciel. "Pour ce concert, il est important de montrer une bonne image", insiste durant les répétitions, Ali-as, rappeur berruyer et sportif de haut niveau en athlétisme. Askaan, la tête sur les épaules ne dit pas le contraire : "A chaque fois qu’il y a un concert de hip-hop dans le Cher, il y a des embrouilles. On veut montrer que le hip-hop, c’est avant tout de la musique".

Bien vu. Car le public s’est déplacé relativement nombreux de toute la région, même si l’association Emmetrop avait - sciemment ? - organisé le même soir à Bourges un concert avec La Rumeur. "Mais nous, on préfère promouvoir le rap régional", renchérit Askan. Pas besoin de grands discours prétentieux sur le rôle social du hip-hop auprès de la population des quartiers. Ici, la musique se suffit à elle-même.

MATURITÉ MUSICALE. Contrer les idées reçues, sortir des clichés du genre : tel était le leitmotiv des différents groupes qui se sont succédés sur la scène du très bel Espace Louis Aragon. La salle a d’abord été chauffée par DJ Ness et DJ Reska avec une impressionnante équipe de danseurs hip-hop originaires de Saint-Florent.

On retiendra ensuite tout particulièrement la fougue communicative d’un jeune groupe Vierzonnais, Force de Frappe qui prépare déjà son premier album avec le soutien de la mairie de Vierzon. La ville de Blois était également bien représentée avec Panthéon, tout comme le Komité I IV (Orléans) qui a fait preuve d’une belle maîtrise.

Malgré un plateau relevé, les tchacheurs berruyers ont été loin d’être ridicules à l’image de Black Angel & Eole dans un style assez festif sans pour autant sombrer dans la futilité, ou encore Répression, dans un registre un peu plus brut de décoffrage.

Au milieu de ce beau monde, les lascars de Prose Combat (Bourges) faisaient presque figure de vieux briscards, avec des textes très matures et des musiques finement ciselées. Effet de surprise garanti dans la salle quand Askaan se lance dans une grande tirade - ironique - reprenant le discours type d’un raciste écervelé et où son acolyte Walid lui donne la réplique en qualité de sauvageon professionnel de service !

COMPILATION EN TRAVAUX. C’est finalement en guest star que DBH (from Châteauroux) a clôturé la soirée dans un style assez original, le groupe n’hésitant pas à emprunter des rythmiques quasi new-wave mêlées à des boucles groovy voire dance aussi déroutantes qu’envoûtantes. DBH a ainsi démontré une égale facilité à enchaîner des morceaux un peu hardcore à d’autres plus posés, gratifiant même le public d’un titre inédit absolument explosif avec un texte classé X qui devrait faire un malheur sur le prochain album.

La plupart des groupes ayant participé à cette soirée font partie d’un vaste projet de Faces Grillées Productions pour l’édition d’une compilation baptisée "Au Centre des opérations" destinée à mieux faire connaître la qualité du hip-hop en Région Centre. Cette première scène commune a démontré que l’esprit hip-hop est ici à des années lumières des querelles de chapelles et demeure largement sous-estimé. La balle est désormais dans le camp des collectivités locales qui pourront difficilement faire les sourdes d’oreilles après cette soirée sans faits divers où la musique et le bon esprit ont imposé plus que jamais le hip-hop en rubrique « Culture ».