Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. (Proverbe UMP)

Le projet de l’UMP contre la liberté d’informer

Viktor Orban, Bernard Carayon, même combat ?
jeudi 27 janvier 2011 à 08:51, par Le plumitif arcandier

Les médias français, toujours soucieux de défendre le droit d’informer, invoquent la liberté de la presse et dénoncent l’autoritarisme de Viktor Orban - premier ministre de Hongrie - et de son gouvernement, qui viennent de promulguer une loi sur les médias, contre la liberté d’enquêter et de publier... Ils n’ont pas senti l’odeur du plat que l’UMP nous mijote.

Le projet de l'UMP contre la liberté d'informer
Montage fait à la main par le plumitif. documents libres de droits

La nouvelle loi hongroise a été votée le 21 décembre 2010, elle est appliquée depuis le 1er janvier 2011. Elle prévoit des amendes de 700 000 euros pour les télévisions (et 89 000 euros pour les publications sur Internet), en cas de publication d’articles "qui portent atteinte à l’intérêt public, l’ordre public, et la morale publique", ou si les productions "ne sont pas équilibrées politiquement". Ces amendes seront infligées par "l’Autorité des médias" composée de cinq membres du parti conservateur Fidesz au pouvoir, qui est en réalité une commission de surveillance et de punition de la presse. La nouvelle loi prévoit l’obligation pour les journalistes de dévoiler leurs sources dans le cas ou leurs articles porteraient "atteinte à la sécurité nationale". Informations équilibrées politiquement, atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public, ces termes englobent toutes les informations et sujets qu’on veut bien y mettre, et n’ont de sens que pour l’autorité des médias hongroise. Ces lois là nous rappellent de mauvais moments de notre histoire, qu’elle soit française ou européenne.

En guise d’oraison funèbre, le journal Nepszabadsag du 3 janvier affichait en première page la phrase "La liberté de la presse touche à sa fin", dans toutes les langues de l’Union européenne.

Dieu que les conservateurs hongrois sont bêtes !

Heureusement, chez nous, les conservateurs français sont malins !

En effet, le moment était particulièrement bien choisi pour les réactionnaires genre Dupont-la-censure pour faire mieux que leurs amis hongrois. Et hop ! Tout dans la finesse, vous allez voir !

Le député Bernard Carayon et cent trente deux autres députés UMP viennent de déposer le 13 janvier, un texte qui propose que "l’atteinte au secret d’une information à caractère économique protégée" soit punie de prison et de très lourdes amendes, et laisse aux entreprises le soin de décider quelles informations devraient être protégées ! Ça n’est pas ça qui augmentera la transparence sur les éventuelles tricheries, les activités fiscales, économiques, du genre Betancourt, Mediator de Servier, ...etc. Récemment, n’a-t-on pas entendu que parler de l’affaire Woerth-Betancourt portait atteinte à la sécurité nationale !

Bernard Carayon n’en est pas à son coup d’essai, il a déjà essayé d’ajouter un amendement sur l’intelligence économique dans le projet de loi Loppsi sur la sécurité. Ce monsieur est soutenu dans son effort de transparence par quelques grandes entreprises françaises : il préside une "fondation" financée notamment par le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis, Alstom, EADS, Dassault, et Thalès, le laboratoire Servier y était mais n’en fait plus partie (ah bon ? et depuis quand ?). Ce lobby porte le joli nom de Fondation Prometheus.

Pour Bernard Carayon les lois sur l’abus de confiance, la violation du secret professionnel ou l’intrusion dans un système informatique sont sans doute laxistes, et les peines qui les punissent, trop clémentes.

Allez boum c’est "nouveau", son projet prévoit de punir "l’atteinte au secret d’une information à caractère économique protégée" : trois ans de prison et 375 000 euros d’amende, et le double si le responsable de la fuite a agi "dans l’intention de nuire" à l’entreprise. En somme, à peu près autant qu’en Hongrie, nous sommes bien en Europe !

Mais, à part les brevets industriels, quelles informations devrait on protéger ? La définition de Bernard Carayon est très fourre-tout, ce qui lui donne un petit accent... hongrois. En effet (et lisez attentivement le jargon), monsieur Carayon qualifie d’informations à caractère économique protégées, les informations ne constituant pas des connaissances générales librement accessibles par le public, ayant, directement ou indirectement, une valeur économique pour l’entreprise, et pour la protection desquelles leur détenteur légitime a mis en œuvre des mesures substantielles conformes aux lois et usages, en vue de les tenir secrètes. En somme, tout ce qu’on veut.

Le gouvernement Fillon prépare lui aussi un projet de loi qui prévoit, entre autres, la création d’un label "confidentiel entreprise", qui ressemblerait au "confidentiel Défense". Parions que les propositions de Carayon y figureront en bonne place.

Dans un article du 24 janvier, le site Owni interroge : "le laboratoire Servier pourrait-il utiliser un tel dispositif juridique pour empêcher ou sanctionner les fuites sur le Mediator ?" Pour Bernard Carayon, c’est non : on ne peut pas se protéger d’une illégalité par la loi. Mais pour qui observe un peu la réalité, c’est oui.

De deux choses l’une : ou bien monsieur Carayon est très malin, ou il est très naïf (il faut préciser que son métier est...avocat).

En effet, si la loi UMP-Carayon était adoptée, elle donnerait aux entreprises et à l’État le moyen de baîllonner l’information. WikiLeaks, interdit, puni ! Le Canard enchaîné, 375 000 euros d’amende ! Parler du Mediator du laboratoire Servier, de la composition d’un maïs OGM, la gestion aventureuse d’une entreprise qui licencie, trois ans de prison !

Telles sont les menaces qui pèsent sur toutes les rédactions des journaux français. Et, comme dit le général Scrongeugneu, la menace constitue la meilleure arme de la dissuasion. Et, comme les directeurs de rédaction et les rédacteurs en chef sont des gens prudents à l’excès, je vous laisse imaginer la scène au Berry Républicain ou à France Soir. "Ah non coco, on ne peut pas publier ça, d’accord l’info est vraie, mais Dupont-Durand va nous faire un procès et tu risques l’amende et la prison !"

On connaît la tactique (courante aux USA) qui consiste pour l’entreprise riche (et surtout si elle a tort légalement), à déclencher des actions judiciaires coûteuses pour l’adversaire afin de l’épuiser financièrement et moralement.

Souvenez vous des mésaventures de Denis Robert, le journaliste qui a révélé l’affaire Clearstream : il a été poussé à bout et ruiné par d’incessantes poursuites judiciaires d’une banque Luxembourgeoise. Au bout du compte, il a été innocenté, mais après plusieurs années de procédures épuisantes.

Dieu que les conservateurs hongrois sont bêtes !

Heureusement, chez nous, les conservateurs français sont plus malins !


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commentaires
Le projet de l’UMP contre la liberté d’informer - defjoe - 28 janvier 2011 à 22:25

Il faudrait connaître le nom des 130 députés qui soutiennent le projet de loi.


Le projet de l’UMP contre la liberté d’informer - Le plumitif arcandier - 29 janvier 2011 à  00:11

Le nom des 130 députés UMP qui ont signé ce projet de loi figure sur le site de l’assemblée Nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/1...
Yves Fromion, député du Cher, figure parmi les signataires. Bravo Yves Fromion !

Répondre à ce message #31242 | Répond au message #31241
Lien mal copié, désolé ! voici le bon - Le plumitif arcandier - 29 janvier 2011 à  00:15

La bonne adresse web est la suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3103.asp

Faites un copier coller, ça marche !

Répondre à ce message #31243 | Répond au message #31242
Si une opposition existe encore - Darek Dysiast - 27 janvier 2011 à 10:06

Si un opposition digne de ce nom existe encore, le Conseil constitutionnel sera saisi.
S’il fait son boulot, cette loi sera censurée.

Trop de si ?


Si une opposition existe encore - B. Javerliat - 27 janvier 2011 à  11:53

Quand on voit comment est constitué le conseil constitutionnel, on peut être réservé sur sa légitimité et son éventuelle "impartialité". Il n’y a que des personnalités de droite.

Répondre à ce message #31232 | Répond au message #31230
Si une opposition existe encore - Le plumitif arcandier - 27 janvier 2011 à  14:25

Et si la presse se montrait à la hauteur et dénonçait ce projet liberticide ?

On aimerait lire quelques mots là dessus dans Le Berry Républicain, pour commencer....

Et qu’on ne nous dise pas : "ce n’est qu’un projet de quelques démagogues, personne ne voudra voter ça", ou encore "on trouvera bien une faille qui permettra de le déclarer inconstitutionnel".

Il faut être nombreux à se prononcer contre, et le plus vite possible.

Répondre à ce message #31233 | Répond au message #31230
Si une opposition existe encore - B. Javerliat - 27 janvier 2011 à  16:32

On aimerait lire quelques mots là dessus dans Le Berry Républicain, pour commencer...

Pourquoi voulez-vous qu’ils s’en plaignent ? Le Berry, sans concurrent maintenant*, est-il autre chose qu’un support éditorial pour encarts publicitaires ? Sans même cette loi "liberticide", ils sont sous le joug des annonceurs, qu’ils soient privés ou publics. Comment dire du mal de celui qui vous paye ? La pub se vend d’autant mieux que le rédactionnel ne risque pas de fâcher. A terme, la presse locale, qui perd un lecteur à chaque décès et que les jeunes ne lisent pas, ressemblera à ça : www.le-petit-berrichon.com. Prix de revient quasi nul, espace publicitaire et rentabilité maxi.

* Le groupe Centre France, qui a fermé l’édition du Cher de la Nouvelle République après l’avoir racheté, s’apprête à fermer l’édition de L’Eure-et-Loir de La République du Centre. Avec l’objectif même pas caché de « permettre à son autre quotidien, l’Echo républicain, de diffuser sans concurrence en Eure-et-Loir »

CQFD

Répondre à ce message #31234 | Répond au message #31233
Si une opposition existe encore - DarekDysisast - 31 janvier 2011 à  11:40

Pour ce qui est du Conseil constituionnel i l a tout de même donné quelques preuves de sa capacité à fonctionner de manière indépentante par le passé : ENCORE FAUT-IL qu’il soit saisi d’une question formulée dans le bon sens, ce que néglige souvent de faire une opposition pas si pressée de démonter ce qu’elle aurait très bien su faire à la place du gouvernement en place, mais bien plus soucieuse de donner l’illusion de sa colère contrefaite.

Que la presse elle-même ne s’offusque pas de se voir passer la laisse autour du cou est en effet moins étonnant puisqu’on ne fait qu’institutionnaliser la médiocrité, l’aplaventrisme et l’auto-censure dont les scribouillards arrogants qui se croient journalistes au titre qu’ils ont une carte de presse ont fait leur gagne-pain.

Une minute de silence en mémoire de la Sardonie Libre !

Répondre à ce message #31331 | Répond au message #31234