CULTURE EN QUESTIONS

À Bourges, c’est plus compliqué de faire des choses

Interview de Stéphane Branger, Marc-Albéric Lestage, Christophe Soulat (deuxième partie)
dimanche 27 juin 2010 à 08:43, par Mercure Galant

Suite et fin de notre rencontre avec Stéphane Branger et ses musiciens. Où l’on parle des difficultés à diffuser son travail dans le milieu artistique de notre bonne ville de Bourges...

L’Agitateur : Avez-vous souvent eu l’occasion de vous rencontrer pour travailler à votre spectacle ?

Stéphane Branger : Non. Avec cette résidence c’est la première fois qu’on a autant de temps à la suite et de telles conditions techniques …

Marc-Albéric Lestage : C’était voulu. Auparavant nous préparions le spectacle à la demande. Maintenant avec le disque on gravit un échelon. On va s’adresser à des gens qui ne connaissent vraiment pas Mac Nab et qui ne nous connaissent pas forcément non plus. On va essayer d’aller jouer le plus loin possible. Il faut donc passer un cap. Le projet a grandi dans le temps. On a ajouté des morceaux et on a gagné en richesse. Je voudrais justement rebondir sur la question artistique. Le peu de gens qui peuvent avoir entendu des interprètes de cette période du 19ème siècle se réfèrent à une approche stéréotypée « chant-piano » avec un chant un peu maniéré. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi mais nous avons absolument voulu laisser ça de côté et prendre le contre-pied comme la pochette le laisse entendre au niveau graphique. En la voyant on ne s’attend pas effectivement à ce qu’elle soit une illustration pour de la chanson post-communarde. On a fait avec ce qu’on avait sous la main. La guitare de Christophe, la flûte ou mes autres instruments, la voix de Stéphane. On a essayé de traiter le répertoire sans vouloir recréer des clichés. On a donc une vision qui va peut-être choquer des gens et ne pas remporter l’adhésion de tous mais qui a « le mérite » d’être la plus personnelle possible.

L’Agitateur : Comment avez-vous procédé pour les arrangements ?

Christophe Soulat : On est parti de la base existante de piano-chant. Il y avait une ligne mélodique écrite ainsi que des accords pour le piano. On a ensuite ajouté des éléments, on a réarrangé. La grille rythmique n’est pas forcément celle du piano. On a fait swinguer certains morceaux par exemple…

Marc-Albéric Lestage : Autant on a eu un respect scrupuleux des textes, autant on a essayé des choses (souvent de manière assez simple) au niveau de la musique. Qu’est-ce qui peut sonner le mieux pour tel morceau ? Parfois c’était du hasard. Le disque a ainsi pris du temps à se réaliser car nous avons fait ce travail de recherche. Nous voulions que, pendant 45 minutes, on ait un répertoire qui ne soit pas ennuyeux malgré la date d’écriture des textes et qui permette de soutenir l’attention des auditeurs qui n’ont jamais entendu parler de Mac Nab. Ce projet nous a appris à travailler en tant que réalisateurs pour un répertoire qui n’est pas le nôtre avec une orchestration inédite. En tant que techniciens et musiciens ça nous a tous fait progresser, c’est évident.

L’Agitateur : Si l’on devait dresser un bilan sur le travail que vous avez pu mener sur Bourges, quelles sont les satisfactions ou les insatisfactions qui ressurgissent ?

Stéphane Branger : On a essayé de travailler avec Emmetrop pour la résidence au départ… malheureusement ça ne s’est pas fait.

L’Agitateur : Vous avez obtenu des explications ?

Stéphane Branger : Non justement ! Après plusieurs relances, on a donc choisi de faire la résidence ailleurs…

L’Agitateur : Cette réaction (ou plutôt, absence de réaction) de la part d’Emmetrop vous a surpris ?

Stéphane Branger : Oui car ce sont des gens que je connais et avec qui j’ai eu l’occasion de travailler à d’autres occasions… mais apparemment ce n’est pas un cas exceptionnel. Ce genre de déconvenue est arrivé à d’autres.

Christophe Soulat : Les résidences au Nadir nécessitent de faire partie d’un réseau déjà constitué…

L’Agitateur : Avez-vous d’autres remarques, notamment sur le simple fait de pouvoir diffuser son travail sur Bourges ?

Marc-Albéric Lestage : Personnellement, j’ai sorti deux disques ces deux dernières années, notamment Glitch avec Grégory Jolivet où l’on pouvait se produire sur scène. Et pourtant cela fait quatre ans que je n’ai pas joué à Bourges.

L’Agitateur : Aucune structure ne vous a sollicité ?

Marc-Albéric Lestage : Même lorsque l’on envoie des disques il n’y a pas de réponse… rien ! Heureusement qu’il y a Vierzon ! Je travaille énormément au Not’Île. On a été invité aux Estivales à plusieurs reprises. À Bourges, il y a une politique culturelle qui fait que, à partir du moment où vous êtes local, ça n’intéresse pas les officiels et ce quelque soit le style musical pratiqué. C’est un certain snobisme. En revanche si vous connaissez certaines personnes, vous êtes tous les ans programmés aux mêmes endroits. Pour s’en convaincre, il suffit de lire par exemple le programme d’un été à Bourges… Vous reconnaitrez certains noms avec un minimum de mémoire… Je n’en veux pas à ces gens là. Ce n’est pas le problème. Ce qui est gênant, c’est le système.

Christophe Soulat : Ce fonctionnement doit être identique dans toutes les villes. À Vierzon c’est pareil. En gros, on qualifie systématiquement d’amateurisme les gens du cru.

Marc-Albéric Lestage : À Bourges en tout cas, il existe beaucoup de structures culturelles. On a la chance d’avoir des salles et même une histoire ! Les problèmes de financement rencontrés par les collectivités territoriales rejaillissent essentiellement sur le milieu culturel local car les grosses infrastructures comme la Maison de la Culture ou le Printemps de Bourges ont le souci de faire venir des gens de l’extérieur, c’est bien normal. Du coup il y a moins d’intérêt et moins de moyens disponibles pour les gens du coin. Nous sommes aussi dans une région qui vieillit, qui se dépeuple. Bourges n’est pas une ville étudiante, le public est donc assez restreint, ne grandit pas et la demande reste faible.

L’Agitateur : Vous voulez dire que chaque structure culturelle se cantonne dans ses habitudes ?

Marc-Albéric Lestage : Oui c’est un peu ça. Ajoutons le contexte global de détérioration économique qui ne facilite rien ; mais ça c’est vrai pour l’ensemble du territoire.

L’Agitateur : Avez-vous des idées sur ce qu’il faudrait faire pour faire évoluer cela ?

Marc-Albéric Lestage : Déjà il faudrait un changement de génération des décideurs. Je ne dis pas cela de manière méprisante, mais il y a là des gens qui sont en place depuis 25 ou 30 ans… je pense que du sang neuf c’est bien aussi. Cela apporterait peut-être une vision nouvelle et une dynamique. Mais il ne faut pas se leurrer, tant que ça ne suivra pas économiquement, il n’y aura pas de miracle. Les structures en place sont omnipotentes, omniscientes. Elles font des choses mais, de par leur histoire (longue souvent), elles ont acquis une certaine stabilité qui ne les incite pas à prendre des risques. On est un peu trop dans l’ordre établi. Dans le Cher, a contrario, c’est souvent beaucoup plus vivant et réactif en milieu rural. À Bourges c’est plus compliqué de faire des choses.

L’Agitateur : Quel sont les autres projets en cours ? Christophe Soulat vous êtes avant tout guitariste de hard Rock ?

Christophe Soulat : J’ai une formation classique à la base. Je suis passé sur l’électrique parce que c’est ce que je voulais faire. Oui mon truc c’est plus le rock, le hard- rock, voire pire… Des projets il y en a mais qui se préparent tranquillement…

L’Agitateur : Et vous Marc-Albéric ?

Marc-Albéric Lestage : Moi je suis actuellement occupé par mon projet solo-studio sous le nom de Beltim avec lequel j’ai sorti un CD il y a un an et demi et je suis à la veille d’enregistrer le deuxième. Il est prêt… mais pas moi (rires). Normalement, je devrais l’enregistrer cet été.

L’Agitateur : Et vous Stéphane en dehors du travail sur Mac Nab ?

Stéphane Branger : Côté musique, j’avais également un album avec mes compositions en préparation... mais qui est passé un peu en arrière plan puisque Mac Nab a pris la place ! Sinon, je publie en revues, je fais des livres d’artistes avec des peintres ou des photographes. J’ai donc surtout une activité d’auteur. Des livres à petits tirages. Deux vont sortir prochainement, fin juin -début juillet.

Lire aussi :
Quand Branger chante Mac Nab

Concert de Stéphane Branger pour son spectacle "Connaissez-vous Mac Nab ?" , prévu le mercredi 30 juin à La Soupe Aux Choux à Bourges à 21h00.
Entrée gratuite


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commentaires
À Bourges, c’est plus compliqué de faire des choses - lièvre pendu - 28 juin 2010 à 10:25

Alors ça... Je l’ai fait encadrer pour l’exposer en plein milieu de ma salle à manger ! Chapeau bas quand l’Agitateur permet d’énoncer encore quelques opinions tranchées !

L’Agitateur : Cette réaction (ou plutôt, absence de réaction) de la part d’Emmetrop vous a surpris ?

Stéphane Branger : Oui car ce sont des gens que je connais et avec qui j’ai eu l’occasion de travailler à d’autres occasions… mais apparemment ce n’est pas un cas exceptionnel. Ce genre de déconvenue est arrivé à d’autres.

Christophe Soulat : Les résidences au Nadir nécessitent de faire partie d’un réseau déjà constitué…

Marc-Albéric Lestage : Même lorsque l’on envoie des disques il n’y a pas de réponse… rien ! Heureusement qu’il y a Vierzon ! Je travaille énormément au Nautile. On a été invité aux Estivales à plusieurs reprises. À Bourges, il y a une politique culturelle qui fait que, à partir du moment où vous êtes local, ça n’intéresse pas les officiels et ce quelque soit le style musical pratiqué. C’est un certain snobisme. En revanche si vous connaissez certaines personnes, vous êtes tous les ans programmés aux mêmes endroits. Pour s’en convaincre, il suffit de lire par exemple le programme d’un été à Bourges… Vous reconnaitrez certains noms avec un minimum de mémoire… Je n’en veux pas à ces gens là. Ce n’est pas le problème. Ce qui est gênant, c’est le système.

Marc-Albéric Lestage : Déjà il faudrait un changement de génération des décideurs. Je ne dis pas cela de manière méprisante, mais il y a là des gens qui sont en place depuis 25 ou 30 ans… je pense que du sang neuf c’est bien aussi. Cela apporterait peut-être une vision nouvelle et une dynamique. Mais il ne faut pas se leurrer, tant que ça ne suivra pas économiquement, il n’y aura pas de miracle. Les structures en place sont omnipotentes, omniscientes. Elles font des choses mais, de par leur histoire (longue souvent), elles ont acquis une certaine stabilité qui ne les incite pas à prendre des risques. On est un peu trop dans l’ordre établi. Dans le Cher, a contrario, c’est souvent beaucoup plus vivant et réactif en milieu rural. À Bourges c’est plus compliqué de faire des choses.