Point de vue

Sarkozy & fils : la dérive

mardi 20 octobre 2009 à 19:03, par bombix

On peut se demander pourquoi l’affaire Jean Sarkozy prend une telle ampleur. Peut-être parce qu’elle est un symbole. Un symbole, c’est un signe qui donne du sens à la réalité et la rend intelligible. La réalité dont il s’agit ici, c’est bien sûr la réalité politique française. L’affaire Jean Sarkozy est le symbole d’une démocratie profondément malade.

Dans quel état se trouve la République depuis l’accession au pouvoir de Sarkozy ? Nul ne peut désormais nier le caractère bonapartiste de l’exercice du pouvoir de l’actuel Président de la République. Le pouvoir est désormais l’affaire d’un seul : le premier ministre est une ombre, l’assemblée une chambre d’enregistrement peuplée de députés godillots. Le Prince décide-t-il qu’une loi – dont il a été pourtant à l’initiative — ne lui plaît plus ? Il ordonne qu’on ne l’applique point, après cependant qu’elle ait été votée par les représentants élus de la nation. [1] Investi de tous les pouvoirs, Sarkozy est aussi en charge de tous les dossiers. On le voit courir partout, être sur tous les fronts, décider de tout. Le Président est certes entouré de sa cour, mais quel courtisan a jamais eu assez de courage pour contredire son Prince ? Autrement dit, le pouvoir sarkozyen se caractérise par son illimitation. Or si la démocratie se caractérise par l’élection régulière au suffrage universel, elle se caractérise aussi, dans le fonctionnement des institutions, par la présence de limites, sous la forme de contre-pouvoirs réels qui équilibrent les tendances du chef de l’exécutif au monarchisme, voire au despotisme.
Sarkozy n’en a cure. Il se sent autorisé. La responsabilité de la conduite des affaires publiques, à leur plus haut niveau, ne l’oblige pas. Alain disait que nul n’obéit plus qu’un roi. Son élection à la magistrature suprême a au contraire libéré Sarkozy, il se lâche. Il jouit sans entrave du pouvoir, en bon enfant de mai 68 qu’il est, et tant pis pour la République, et tant pis pour la démocratie.

Dans l’affaire Jean Sarkozy, un nouveau pas est franchi. Le fils du Président de la République, on l’a dit et répété à juste titre, n’a aucune légitimité a exercer la charge qu’il brigue. Il peut prétendre à la présidence de l’EPAD uniquement parce qu’il est le fils de son père, le fils de ce père. Nous voici donc revenus, en ce début de XXIème siècle, à l’ancien régime. Ni plus ni moins. Quand la naissance d’un individu décidait de sa qualité. Par une perversion effroyable, peut-être en germe dans les institutions mêmes de la Vème République, nous sommes passés de l’existence de dynasties républicaines déjà douteuses (dont témoignerait le destin de Martine Aubry par exemple), à la restauration de la dynastie tout court. Quel Beaumarchais s’indignera devant Jean Sarkozy, lui déclarera à la manière de Figaro : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !...Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus...  »

Or il se trouve d’autre part que cette illégitimité ne s’appuie sur aucune illégalité. Il faut le reconnaître, le bonapartisme sarkozyen s’exerce dans le cadre strict de la loi. D’où la crise politique majeure qu’il ouvre. Quand les lois autorisent l’iniquité, comment les défendre ?
On ne voit pas que l’opposition, dont tant de ses membres sont compromis avec le pouvoir sarkozyen, soit en position de changer la donne politique. Elle cherchera sans doute, elle cherche déjà, à tirer bénéfice de la situation. Mais elle n’est pas crédible, d’abord parce qu’elle a si souvent pratiqué ce népotisme [2] dont elle feint de s’émouvoir, ensuite parce qu’elle est incapable de proposer une alternative claire et lisible au sarkozysme.

Le résultat ne peut être qu’un divorce plus profond encore entre la classe politique et le peuple, les « vrais gens » comme disent certains, ceux qui ne peuvent s’en sortir dans la vie que par leur travail et leur talent, et qui voient désormais tant de petits hobereaux parvenir par protection, alors que l’avenir est sombre et incertain, la crise sociale et économique plus rude que jamais.

Dans une telle situation, le danger d’une l’explosion sociale est bien réel. Les récents événements de Poitiers sont un symptôme qu’il ne faudrait pas négliger.

[1Que cette loi – j’évoque ici la récente loi sur l’établissement de la filiation par des tests ADN – soit une mauvaise loi, une loi idiote, n’enlève rien à l’autoritarisme insupportable parce qu’anti-républicain du ministre Besson qui, en charge de l’exécutif, décide de son chef (mais sous les ordres du grand Chef) de ne pas l’appliquer.

[2Avec cependant plus d’hypocrisie. L’hypocrisie, c’est bien connu, est l’hommage que rend le vice à la vertu. Le sarkozysme ne prend même plus cette peine. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’un palier est franchi, la rupture consommée.

commentaires
Jean Sarkozy équitable - bombix - 22 octobre 2009 à 10:13

Ça ne s’invente pas. Dans Neuilly92, un intéressant journal mensuel comme Nicolas Sarkozy voudrait qu’ils le soient tous, Jean Sarkozy souhaitait que 2009 soit l’année de la réussite, de l’égalité des chances et de l’espérance.

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#24224
Sarkozistan - 21 octobre 2009 à 20:57

L’EPAD, c’est juste un tremplin pour la Présidentielle de 2017. Papa n’aura plus le droit de se représenter, alors c’est le fiston qui se présentera. Il a (déjà) toutes les compétences.


#24215
Sarkozistan - Mister K - 21 octobre 2009 à  21:08

Sarkozistan

Pas mal ;-) Pour l’instant, ce serait plutôt le Sarko qui se tend.

Papa n’aura plus le droit de se représenter, alors c’est le fiston qui se présentera. Il a (déjà) toutes les compétences.

En tout cas, il a déjà trahi à Neuilly, c’est un signe de compétence politique qui ne trompe pas. Et maintenant que les conseillers en communication de papa lui ont fait couper ses cheveux et porter des lunettes, on en est sûr, il est compétent et TF1 compatible. Les français vont l’adorer...

#24217 | Répond au message #24215
Sarkozy & fils : la dérive - anatolem - 21 octobre 2009 à 18:42

Un très bon article et je suis surpris qu’il n’ait pas plus de commentaires.
Mais restons vigilants car il me semble que nous avons quelques bons manipulateurs dans les loges.
Cordialement.


#24211